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Critique de SeriallectriceSV


Dans ces deux textes courts et autobiographiques (une quinzaine de pages pour J'ai Tué, une soixantaine pour J'ai saigné), Blaise Cendrars rend un bel hommage à ceux qui ont vécu la Première Guerre Mondiale en France, à ses compagnons d'infortune, aux infirmières qui ont voué corps et âme aux soldats blessés, et notamment à Mme Adrienne P., une formidable infirmière, dévouée aux blessés, à ses blessés, au coeur débordant de générosité et d'amour.

Il nous raconte les violences des combats, les souffrances, le douloureux combat, la lutte acharnée des soldats pour survivre, il nous raconte aussi sa souffrance et son amputation, ses soins à l'hôpital de Châlons-sur-Marne avec beaucoup de respect et de réalisme, il nous raconte l'expérience diablement traumatisante de cette abominable guerre avec la plus brutale sincérité, il nous raconte l'absurdité de la Guerre.

Respiration d'un million d'hommes. Pulsation sourde. Involontairement,, chacun se redresse et regarde la maison, la petite maison du généralissime. Une lumière filtre entre les volets disjoints, et dans cette lumière passe et repasse une ombre amorphe. C'est LUI. Ayez pitié des insomnies du Grand Chef Responsable qui brandit la table des logarithmes comme une machine à prières. p.20

Me voici l'eustache à la main, c'est à ça qu'aboutit toute cette immense machine de guerre. Des femmes se crèvent dans les usines. Un peuple d'ouvriers trime à outrance au fond des mines. Des savants, des inventeurs s'ingénient. La merveilleuse activité humaine est prise à tribut. La richesse d'un siècle de travail intensif. p.28

J'ai tué est un témoignage direct, troublant et effroyable de la déshumanisation des soldats en temps de guerre à qui l'on donne le droit de TUER...pour survivre ! Et c'est avec une indicible rage que Blaise Cendrars a tenté de survivre, comme en témoigne le passage ci-dessous :

Mille millions d'individus m'ont consacré toute leur activité d'un jour, leur force, leur talent, leur science, leur intelligence, leurs habitudes, leurs sentiments, leur coeur. Et voilà qu'aujourd'hui j'ai le couteau à la main. L'eustache de Bonnot. "Vive l'humanité!" Je palpe une froide vérité sommée d'une lame tranchante. J'ai raison. Mon jeune passé sportif saura suffire. Me voici les nerfs tendus, les muscles bandés, prêt à bondir dans la réalité. J'ai bravé la torpille, le canon, les mines, le feu, les gaz, les mitrailleuses, toute la machinerie anonyme, démoniaque, systématique, aveugle. Je vais braver l'homme. Mon semblable. Un singe. Oeil pour oeil, dent pour dent. À nous deux maintenant. À coups de poing, à coups de couteau. Sans merci, je saute sur mon antagoniste. Je lui porte un coup terrible. La tête est presque décollée. J'ai tué le Boche. J'étais plus vif et plus rapide que lui. Plus direct. J'ai frappé le premier. J'ai le sens de la réalité, moi, poète. J'ai agi. J'ai tué. Comme celui qui veut vivre. p.30

J'ai tué est un formidable récit dont la force (ce n'est que mon avis) réside très certainement dans les décalages créés par Blaise Cendrars; il juxtapose chansons paillardes, poésie, description non aseptisée d'un champ de bataille et acte de guerre effroyable, et tout cela en douze pages seulement...extraordinaire !

Deux récits touchants, poignants, puissants à lire absolument !
Lien : http://seriallectrice.blogsp..
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