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Critique de AnnaDulac


Les éditions La Contre Allée ont eu la bonne idée de rééditer cette « Vie de Milena » due à sa fille Jana Černá.

Vingt-trois ans après la mort de Milena, dans un camp de concentration de Ravensbrück, Jana a écrit « ce qu'elle savait de sa mère », « sans avoir la certitude de pouvoir tout dire ». C'était en 1967.

Milena ?

Oui, il s'agit bien de Milena Jesenská à qui Kafka adressa des lettres magnifiques. Nous n'avons pas les réponses de Milena et la correspondance a été publiée contre la volonté de sa famille, mais nous pouvons deviner quelle personne forte et sensible était cette femme qui a tellement compté pour Kafka.

Le portrait qu'en fait sa fille Jana ne nous déçoit pas. Jana n'avait que onze ans à la mort de sa mère et son approche tisse les souvenirs personnels, les témoignages et la citation d'articles de Milena qui, journaliste et traductrice, joua un grand rôle dans les milieux culturels de Prague.

Le texte de Jana est aussi une réflexion sur la mémoire. Pour elle, « l'oubli appartient aux droits les plus fondamentaux de l'homme [et] même le peu qu'on emmagasine dans sa mémoire atteint à la limite du supportable ». Malgré ce réflexe de défense, Jana a rassemblé les morceaux du puzzle pour rendre hommage à sa mère et aussi pour contrer « tous ceux qui pensaient avoir autorité pour parler d'elle ».

Elle se bat contre l'idéalisation qui a été faite de Milena trop souvent figurée « comme la bien-aimée séraphique du grand génie » et revient aussi sur les crises de conscience de sa mère face au parti communiste dont elle se détacha.

Milena, dit Jana, était surtout une « colérique », capable « de sacrifices démesurés », une passionnée, « un feu vivant » selon Kafka.

Jana nous raconte comment Milena empêcha le médecin de prolonger les souffrances de sa mère : « Milena arracha le seringue de la main du docteur. Elle la jeta à terre si violemment que les éclats volèrent dans toute la pièce. Elle ne pouvait supporter que cette souffrance se prolongeât, ne fût-ce qu'une minute …».

Il y a aussi la Milena qui puisait dans les armoires de son père pour offrir des chaussettes à ses amis qui les « arboraient en toute bonne foi » jusqu'au moment « où le docteur reconnut ses propres socquettes aux pieds d'un de ses assistants … ».

Il faut lire cette « Vie de Milena » dans la belle édition de la Contre Allée, couverture bleu turquoise, visage de Milena en pointillés… Jusqu'ici, en français, nous ne disposions
que d'une édition de 1993, au Livre de Poche, ridiculement sous-titrée « L'Amante » et non moins absurdement illustrée par la photo d'une dame en chapeau digne des courses de Chantilly…

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