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Citations sur Les enfants de Staline (19)

L'expérience soviétique, l'utopie révolutionnaire et le traumatisme de l'occupation : c'est là que trouve ses racines la culture de violence des partisans, qui n'est ni simple continuité avec l'avant-guerre ni une déclinaison de la culture de guerre soviétique dominante.
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Maîtrise du terrain de la forêt et des marécages, adaptation sensorielle, survie dans des conditions climatiques extrêmes et manque de nourriture : ainsi sont dégagées les principales caractéristiques du mode de vie partisan. S'il est indéniable que ;les connaissances topographiques des habitants leur confèrent un avantage considérable sur les Allemands- mais pas sur leur collaborateurs locaux-, les autres qualités énumérées ne leur sont pas plus innées qu' à leurs ennemis.
L'univers du partisan est d'abord celui de la forêt et de la nuit. L'environnement sonore de la forêt est particulièrement déstabilisant : la première impression de silence total laissse à un trop-plein de bruits d'autant plus étranges qu'ils sont sourds mais omniprésents. Les yeux doivent s'habituer à la pénombre de la forêt, à son obscurité totale la nuit. Les saisons donnent à la vie des partisans un rythme propre.
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A partir de septembre, des dizaines d'autres commandants partisans sont convoqués à Moscou avec des agents du NKVD et de l'état-major central. Ces rencontres permettent aux autorités de s'informer de la situation sur le terrain, mais elles sont aussi l'occasion d'une vérification des cadres, au cours de laquelle plusieurs commandants sont démis de leurs fonctions , voire arrêtés...
Même si les archives ouvertes ne permettent pas de savoir combien d'arrestations ont eu lieu, celles-ci semblent malgré l'absence de directives connues en ce sens, participer d'une vague de répression politique visant à imposer le contrôle des autorités soviétiques , en écartant des commandants trop indépendants ou politiquement suspects, tout en faisant des exemples pour le reste.
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Le sang unissait la communauté combattante, le sang des victimes qui abreuvait la terre, le sang versé du guerrier, le sang impur de l'ennemi qui venait sceller le serment donné. Les frontières de l'humanité purifiée et de la bestialité étaient tracées par le sang et le feu, sur ce "sentier brûlant" de la rédemption individuelle et collective. Le deuil individuel était transcandé en une communauté de souffrance; la pulsion de violence devenait communion, l'intimité se faisait politique.
Cette mutation s'inscrivait profondément dans une culture soviétique spécifique, à tous les niveaux. Comme ils y étaient appelés depuis la révolution, les individus se faisaient les instruments de l'Histoire, répondant à leur devoir et leur dette envers la patrie, transformant à la fois eux-mêmes et le monde, en effaçant la barrière entre le privé et le public, l'intime et le collectif. Ils puisaient dans les sources staliniennes la figure de l'ennemi et l'entreprise de purification du corps social. Ils vivaient en un temps eschatologique, dont les bolcheviques s'étaient faits les hérauts. En même temps, les communautés quasi féodales ainsi nées du devoir et de la vengeance n'étaient pas la reproduction ou la restauration de l'Etat soviétique. Les partisans ne formaient pas un mouvement et ne répondaient pas à l'idéal de l'avant-garde révolutionnaire. Au coeur de leur identité ne se trouvaient pas l'Etat et le Parti, mais la communauté combattante, l'unité, la brigade.
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Après plus d'une décennie de terreur où la loyauté, vertu exaltée, exigée mais toujours remise en doute, était mesurée de façon arbitraire et secrète du régime, la guerre offre l'occasion de la démontrer en actes. Les masques tombent. La rhétorique de la révélation est centrale dans la définition de la figure du traître par les partisans. Qu'importe ses motivations, celui-ci avoue enfin par son comportement qu'il n'est pas réellement membre de la communauté soviétique imaginée, au sein de laquelle il s'est caché...
Le traître n'est plus reconnaissable, comme dans le discours bolchevique d'avant-guerre, à son apparence ou à son origine sociale. Il est ici l'incarnation même du moujik, à la duplicité motivée par l'appât du gain : aucune trace ici de lutte de classes ou de contre contre-révolution. Si la traîtrise trouve ses racines dans l'essence même de l'ennemi intérieur, dans sa nature profonde, il est inutile de lui chercher des causes politiques ou sociales. Il est vrai que les partisans, surtout dans leurs rapports à Moscou, continuent d'user du lexique propre aux répressions staliniennes, décrivant les traîtres comme des koulaks, des criminels, mais ils ne prétendent même plus que ces termes renvoient à des réalités sociales....
La guerre permet alors de mener à bien la tâche entamée en 1917, en extirpant les "éléments nuisibles" pour permettre l'avènement de la société nouvelle. C'est d'autant plus vrai que, dans le contexte de la guerre, l'ennemi intérieur n'est plus seulement l'ennemi de la révolution ou du prolétaire, mais est devenu "ennemi de l'homme", en révélant sa nature profondément animale.
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Or, tandis que les partis communistes dans les autres pays européens ont constitué un apport organisationnel souvent décisif à la constitution des résistances nationales, c'est justement dans la patrie du socialisme que ces partis se révèlent non seulement efficaces, mais souvent dangereux comme bases de l'action clandestine. Ce n'est généralement qu'au prix de lourdes pertes que les partisans ont saisi toute la portée de la faillite du Parti, du danger mortel qu'il y avait à supposer la loyauté des camarades.
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Bientôt, les anciens partisans sont écartés de nombreux postes de responsabilité, et le flot de leurs mémoires se tarit dès 1947. Ce n'est qu'à partir de la fin des années 1950 qu'ils accèdent de nouveau à la parole, sous l'étroit contrôle du régime. Les comités centraux des partiq pilotent entièrement une politique qui n'est pas de mémoire, mais de création du mythe, celui de la guerre du peuple héroîque, uni dans le sacrifice volontaire, qui ne laisse place ni aux "traîtres", ni même aux victimes, un récit où le mythe partisan permet d'effacer 1939 et 1941. Aucune faillite de l'Etat, aucune défaite, aucune hésitation du peuple soviétique uni dans sa lutte, aucune discussion de son coût humain : au niveau de l'Union soviétique, les partisans glorieux combattants derrière les lignes ennemies, o,nt depuis le premier assisté l'Armée rouge, et c'est leurs exploits militaires contre les Allemands qui fotrment la trame du récit. La question de leurs relations avec les civils reste un non- dit, un silence dont l'ombre plane jusqu'à aujourd'hui sur les mémoires.
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Au total, sur les 180 000 partisans biélorusses qui effectuent leur jonction avec l'Armée rouge, moins de la moitié la rejoint. Quarante-deux mille d'entre eux entrent en fonction dans l'appareil de l'Etat et du Parti, prenant le contrôle de la république du jour au lendemain, en attendant que les retours et et la consolidation de l'appareil en 1946-1947 viennent mettre fin, comme en Ukraine, à leur domination. Plus de 40 000 partisans restent toutefois engagés dans la guerre sur le territoire soviétiquen 6 000 partisans rejoignent le NKVD, 5 000 les "bataillons de destruction", et 32 000 combattants restent mobilisés dans leurs brigades non dissoutes avant la fin de 1944. En effet, des milliers de ceux qui ont survécu à la "lutte contre les bandes" des Allemands sont mobilisés dans la "lutte contre le banditisme" en URSS. Anciens collaborateurs, soldats de passage et déserteurs de l'armé rouge forment partoutles noyaux de ces groupes armés de "bandits" qui s'en prennent aux biens, aux personnes et aux représentants du régime soviétique à travers les campagnes, au milieu des ruines et des millions de Soviétiques en mouvement, réfugiés, rapatriés, déplacés, fugitifs.
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Par endroits, la police locale de bourgs abandonnés par les Allemands part en forêt et se transforme à son tour en "bande" pour continuer toute seule sa guerre contre les partisans, un processus qui va marquer les sorties de guerre locales. Parmi ceux qui ont lié leur sort aux Allemands se trouve la milice de Kaminskij, déracinée. Son long "trek" amène 6 000 miliciens avec leurs familles, soit 20 000 à 25 000 civils, dans la région de Lepel en septembre 1943.
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Pour la première fois depuis la guerre civile, avec les partisans, la construction violente de la société nouvelle échappe à ce monopole étatique et des hommes non adoubés par le régime se la réapproprient. Les partisans embrassent le discours porté par le régime, mais dépassent ses attentes. De surcroît, si l'épuration menée par les partisans n'est pas quantitativement comparable aux campagnes de terreur du régime,elle réprésente un franchissement qualitatif, par la pratique du massacre à visée exterminatrice.
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