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Critique de Lamifranz


« La tradition Fontquernie » (1947) est le troisième roman publié par Gilbert Cesbron, après « Les innocents de Paris » (1944) et « On croit rêver » (1945).
C'est un roman fort, comme les précédents, qui dépeint l'itinéraire d'un jeune homme qui « n'entre pas » dans le canon de sa famille : chez les Fontquernie, (et même « de » Fontquernie) on a une tradition aristocratique bien établie : l'honneur du nom, de la race, et de tout ce qui en porte l'apparence : le goût des armes, des chevaux, des sports virils, de la guerre… Antoine, le dernier des trois frères Fontquernie, ne se sent pas à sa place dans ce monde : il aime les livres plus que les chevaux, il est sensible, timide et réservé. Il n'aime pas parler haut et fort, ni commander. Il y a bien Isabelle, mais le pays du coeur est encore bien mystérieux... Pourtant, quand la guerre éclate (la drôle de guerre, en 39-40), il est prêt à faire son devoir comme ses frères. Et c'est au front qu'il apprendra la vérité sur sa naissance. Avant d'accomplir à son tour la tragique « tradition Fontquernie ».
Encore un livre, diront certains (toujours les mêmes) qui est daté, démodé et pas dans l'esprit du jour. Pourtant, c'est un magnifique témoignage sur se qui se passait pendant plusieurs générations dans des familles (pas toutes aristocratiques, d'ailleurs) où la tradition familiale était érigée en règle, et où y déroger était un crime de lèse-famille, punissable de bannissement. Antoine, bizarrement, ne connaît pas le poids de la tradition comme ses frères. On en apprend la raison au cours du roman. Mais pendant toute son enfance et toute son adolescence il a souffert de cette différence. Et quand il finit par en connaître la cause, il est trop tard.
Il y a deux thèmes dans ce livre : la tradition familiale lourde et pesante (différente de la « tradition » qui clôt le roman), et le syndrome du vilain petit canard qui n'est pas comme les autres. Gilbert Cesbron pose son regard à la fois critique et compatissant sur ces deux aspects du roman : la tradition n'est pas coupable en elle-même, c'est surtout que l'orgueil, l'amour-propre et l'égoïsme empêchent de voir ce qu'elle a de pernicieux et de dangereux pour des âmes moins fortes, et donc empêchent toute correction, tout aménagement. Et surtout excluent tout « dommage collatéral ». le drame d'Antoine n'est pas tant d'être exclus de la tradition, mais d'en ignorer les raisons. le plus dramatique, c'est que cela n'empêche pas l'amour entre les êtres.
Gilbert Cesbron, on le sait est un auteur d'une honnêteté morale sans faille. Il dresse ici un portrait critique (mais pas à charge) d'une certaine société, et, avec un beau sens de la psychologie, il présente un personnage « décalé », victime au fond d'une tragédie de type « antique », une fatalité que personne n'a vu venir, qui était pourtant inscrite dans l'histoire dès le début.
Gilbert Cesbron a ce don extraordinaire d'émouvoir sans pathos, par une extrême simplicité de mots, il touche le lecteur au coeur, sans aucun effet, et sans la mièvrerie que pourraient générer ces évènements mélodramatiques et tragiques.
C'est une chose un peu oubliée aujourd'hui, ça s'appelle la pudeur.
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