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Critique de PetiteBichette


Une histoire qui harponne comme la flèche empoisonnée de l'amour.
Tarek vit au Caire, il a douze ans en 1961. A la question de savoir ce qu'il veut faire plus tard, la réponse sort de sa bouche sans qu'il n'y ait de volonté de sa part, il sera médecin, comme son père.
Fierté de sa famille, le gentil et brillant fiston au coeur pur marche dans les traces de Papa.
Adolescent, il tombe amoureux de Mira, mais par un coup de théâtre inattendu, elle disparait pendant 14 ans pour réapparaitre un beau jour, et reprendre l'histoire presque comme si de rien n'était. Les noces sont rapidement célébrées, Tarek est enfin tout à son bonheur de découvrir la vie de couple auprès de la douce Mira.
A la tête du dispensaire qu'il a créé, Tarek, devenu sans surprise médecin, vient en aide aux nécessiteux du Moqattam qui vivent et meurent des ordures vomies quotidiennement par la décharge du Caire.
Il va nouer une relation avec le jeune Ali et sa mère. Ali s'inquiète pour cette dernière, de ses mouvements incontrôlés, de ses pertes de mémoire et Tarek va faire de son mieux pour les aider.
Sentant sa santé décliner, la mère d'Ali scelle un pacte avec Tarek, elle lui demande de prendre soin de son fils après sa mort. Tarek le coeur sur la main promet, sans idée des bouleversements terribles que cette promesse va engendrer dans sa vie.
« Elle perdait du poids et parfois la mémoire. Un matin au réveil, elle eut un mouvement de stupeur en découvrant un jeune homme dans la pièce. Il lui demanda si tout allait bien. Elle resta interdite, de surprise plus que d'inquiétude, car cette présence étrangère n'avait rien de menaçant. Il s'approcha d'elle, lui passa la main dans le dos et commença à lui demander si elle le reconnaissait. Ali n'eut pas besoin de terminer sa question pour qu'elle en comprenne le sens. Elle lui adressa en retour un mouvement négatif de tête. Non, elle ne le reconnaissait pas. Percevant la détresse que sa réponse venait de provoquer dans les yeux de son jeune interlocuteur, elle fut saisie de pitié et le prit d'instinct dans ses bras, un peu comme une mère enserrerait son fils pour le consoler. (p.91) »

J'ai été un peu dérangée au début de ma lecture par un narrateur omniscient qui s'adresse familièrement à Tarek, le tutoie, l'interpelle parfois. Puis je me suis vite rendu compte que le livre est découpé en trois parties très inégales, Toi (presque les 2/3 du livre), Moi (1/3) et Nous (moins de 10 pages). L'identité de ce fameux narrateur se devine petit à petit sans que ce soit l'intérêt principal du livre. Ce qui en fait la force nous emmène au coeur de l'intimité de deux familles égyptiennes que tout oppose : Tarek vit dans les beaux quartiers avec ses parents, son père est un médecin reconnu et apprécié de tous. Ali vit seul avec sa mère dans un taudis du Moqattam dans une grande précarité.
J'ai tourné les pages avec frénésie et angoisse, le coeur serré à la lecture des déboires d'Ali, Tarek, Mira et du fameux Toi dont je ne révélerai pas l'identité ici.
Avec beaucoup de pudeur et de tendresse Eric Chacour écrit sur l'amour et l'homosexualité masculine en Égypte, mais aussi la mort, la quête d'identité, la fuite.
Ce premier roman dur et délicat, très maîtrisé, m'a charmée et touchée en plein coeur. Une belle surprise de cette rentrée littéraire.

« Mektoub. Tout est écrit d'avance, nous ne faisons qu'exécuter une partition dont les notes nous sont transmises au moment de les jouer, les suivantes demeurant un mystère aussi entier que la mélodie qu'elles composeront. Pour elle qui avait consacré un pan considérable de sa vie à combiner, machiner, ourdir et dénouer, le destin était bien plus qu'une superstition : c'était un précieux alibi. » (p.234)
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