Parfois le théâtre d'Alice ressemble à un abattoir. Un abattoir jonché de corps, de plumes, de viscères. Ca sent la cire chaude et le sang et la merde. Ca sent la chair, les yeux fermés, les aliments. Quand Alice regarde son théâtre, elle pense à des choses qu'elle sait. Alice a une mémoire.
Elle aimerait pouvoir comprendre comment une personne peut un jour désirer en détruire une autre. Comment une personne peut avec son cerveau et son corps, avec sa bouche, ses mains, son dos, ses avant-bras, avec tout ce qu'elle a de vivant et d'humain en elle. Comment une personne peut, avec tout ça, grâce à tout ça, orchestrer une destruction, désirer mettre en oeuvre une destruction.
Elle avait honte. Envie de crier aussi.
Envie de leur crier que ce n’étaient pas les mots qui étaient vulgaires, mais seulement la réalité qu'ils désignaient.
Il aimait humilier, me dit elle. Lancer des petites phrases dont il savait qu’elles rempliraient leur office, qu’elles blesseraient. (…)
Il lançait ses petites phrases et si celui ou celle qui en était l’objet répondait, se rebiffait en quelque sorte, alors il bottait en touche. Tentait de faire passer ce qui venait d’être dit pour une blague, quelque chose de drôle. Il insinuait ainsi que la personne manquait d’humour ou de distance. Qu’elle était rigide. De cette façon, il gagnait à tous les coups.