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Critique de Brooklyn_by_the_sea


C'est un roman sur la folie : folie des rêves, folies des hommes, folie des guerres.
Georges, jeune militant maoïste, rencontre en 1974 Samuel, metteur en scène grec réfugié à Paris. Georges est fasciné par Samuel, son expérience de la dictature, sa culture, sa réserve, et un lien fraternel se développe entre les deux hommes. Au point que Georges va accepter de mener à bien le projet fou de Samuel : monter "Antigone" de Jean Anouilh à Beyrouth, avec des comédiens amateurs issus de chaque communauté composant le Liban. Sauf qu'on est alors en 1982, et que le pays est plus déchiré que jamais.

Impossible de ne pas aimer ce roman écrit avec autant de coeur. Sorj Chalandon relate avec passion une tragédie annoncée, alors ça prend forcément aux tripes. Inspirée de son vécu de reporter de guerre au Liban, son histoire s'entortille dans des méandres qui m'ont paru bien compliqués pour arriver au vrai sujet du livre : les massacres de Sabra et Chatila. On sent toute l'émotion de l'auteur, intacte, lorsqu'il raconte ce pays morcelé et toutes ces vies détruites pour des raisons historico-politico-religieuses. Comme Georges, on ne comprend pas grand-chose aux motivations des uns et des autres, et comme lui, on s'entête à espérer que la beauté pourra occulter les haines ancestrales le temps d'une pièce de théâtre.
Malgré son aspect fragmenté qui part un peu dans tous les sens, j'ai beaucoup aimé la façon dont Chalandon essaie de maintenir son histoire cohérente, comme Georges essaie de contenir son existence et de concrétiser le rêve de Samuel. J'ai notamment aimé les multiples confrontations entre les convictions politiques et la réalité quotidienne, l'insupportable insouciance de la paix et la violence des conflits permanents, les personnages d' "Antigone" et leurs interprètes, la folie douce d'un homme et la folie furieuse d'un pays. Jamais l'auteur ne juge, mais il souligne sans relâche toutes les absurdités de chaque situation. Ce roman interroge également sur l'engagement : jusqu'où peut-on l'incarner ?

Sorj Chalandon a donc encore réussi à me bouleverser et à me faire réfléchir, en dépit d'un style soigné mais trop journalistique à mon goût. Mais le message est bien passé, et c'est l'essentiel.
Et aujourd'hui, qui serait assez rêveur ou fou pour envisager de monter "Antigone" en Ukraine ?
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