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Critique de bdelhausse


La catastrophe de Liévin le 27 décembre 1974 est la plus grande tragédie minière dans le Nord-Pas-de-Calais, depuis celle de courrières qui avait fait 1.099 victimes en mars 1906. Catastrophe annoncée, pas de fatalité dans ce drame. Et contre toute attente, signe de temps qui changent, la société exploitante, celle des Houillères du bassin du Nord-Pas-de-Calais, est reconnue civilement responsable du drame. Elle est condamnée pour « faute inexcusable ».

Sur ce fait divers, Sorj Chalandon construit un roman qui prend aux tripes dans un premier temps. Puis qui se joue du lecteur en multipliant les faux-semblants. Après avoir démarré bille en tête sur l'air du drame social, l'auteur enchaîne avec une histoire de famille, celle du personnage principal qui a perdu son frère Joseph lors de la tragédie. Enfin, pas le jour même, mais quelques semaines plus tard, du fait de ses blessures. Mais trop tard pour être reconnu comme une victime de la mine.

Quarante ans plus tard, Michel va se venger. Veuf depuis peu. N'ayant plus rien, plus personne à qui s'accrocher, hormis des souvenirs mortifères, Michel veut retrouver celui qu'il considère comme le vrai coupable et venger la mémoire de son frère. Il brandit les derniers mots de son père avant qu'il ne se suicide, "venge-nous de la mine".

Alors il se venge. Fin de la première moitié du roman. Début de l'enquête, des procédures judiciaires et du lent processus de la Justice. Démarre alors un long cheminement vers une rédemption personnelle. Un long chemin de croix où personne ne va sortir indemne (surtout pas le lecteur) et dans lequel Michel va être guidé par son avocate, que la mine n'a pas épargnée, elle aussi.

Sorj Chalandon aborde la question du pardon de l'oubli, de la vengeance, dans un livre qui m'a ému et bouleversé. J'ai même cru que l'auteur ne pouvait qu'être du Nord... Comment en parler aussi bien sans en être originaire? Par ce qu'il a du talent, de l'empathie, de la compréhension, de l'humanité.

Roman brillant, dense, prenant. Un vrai moment de bonheur litttéraire, sur un sujet difficile, âpre et brutal. Les plaidoiries, que ce soit celle de l'avocat général ou de l'avocate de la défense, sont des moments magnifiques, à leur manière. Chalandon a cette splendide posture impartiale, laissant au lecteur le soin de faire pencher la balance de la Justice d'un côté ou de l'autre. D'ailleurs, la sentence n'est même pas connue, preuve que l'essentiel n'est pas là.

J'ai découvert Sorj Chalandon il y a des années. Recommandé par ma mère. Elle aurait adoré ce roman. J'ai beaucoup pensé à elle lors de cette lecture.
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