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Critique de Kirzy


Kirzy
10 février 2020
Ce premier roman très ambitieux met en lumière un épisode oublié de l'histoire coloniale, l'insurrection malgache débutée le 29 mars 1947 ( jour de deuil national à Madagascar encore aujourd'hui, et sa répression par l'armée française ( plus de 30.000 morts côté rebelles, soit plus qu'à Sétif ).

Pour incarner ce pan d'histoire, Aurélie Champagne choisit de retracer la trajectoire d'un homme, Ambila le Zébu boy du titre, à travers son odyssée fiévreuse, un road trip hallucinée. Pas un héros, mais un personnage à la fois ambigu et charismatique, obsédé par la réussite personnelle, voulant à tout prix reconstituer le troupeau de zébus de son père. Ce personnage est fascinant : un guerrier, de l'arène du savika ( discipline proche de la tauromachie ) aux combats en métropole au sein des troupes coloniales des FFL ; un survivant des frontstalags allemands de la Seconde guerre mondiale. de retour à Madagascar, le voilà renvoyé à sa condition de colonisé et pris malgré lui dans l'insurrection :

« Les soldats retrouvaient la terre des ancêtres plus Malgaches que jamais, croyant avoir abandonné au front l'indigénat auquel les colons les reléguaient avant-guerre. Et voilà qu'après avoir été des frères d'armes, les Vazahas redevenaient ces détestables petits pères condescendants. Voilà qu'ils les traitaient à nouveau comme de grands enfants naïfs. »

Si tout le contexte historique est parfaitement retranscrit, si la réflexion sur la colonisation est pertinente à travers cet angle original, ce qu'on retient, c'est le personnage d'Ambila hanté par ses fantômes personnels, c'est la forêt comme lieu de l'échappée, un maquis, un lieu de renaissance qui renvoie au marronnage. C'est là que durant 18 mois les derniers rebelles vont se retrancher, galvanisés par des sorciers ( les ombiasy ) bouillonnant d'imagination, proposant des amulettes / fétiches ( les oady ) transformant les balles en eau. Les dernières pages sont bouleversantes.

Il fallait une écriture puissante pour porter un tel récit, elle l'est, percutante, furieuse, emportant le lecteur dans un tourbillon fiévreux très loin de ses repères occidentaux, tête la première, sans préliminaire. Il m'a juste manqué un petit lexique pour les nombreux mots malgaches qui émaillent les pages.

Je profite de ce billet sur ce premier roman habité et original, tout en mouvement, entre rage, transe et chagrin, pour saluer le formidable travail de la maison d'édition Monsieur Toussaint Louverture qui propose toujours des textes forts , hors des sentiers battus ( Moi ce que j'aime c'est les monstres, Emil Ferris – Watership Down, Richard Adams – Un Jardin de sable, Earl Thompson – Karoo, Steve Tesich ).
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