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Critique de dlcb26


Merci aux éditions Autrement, à l'opération MAsse Critique et à Babelio pour m'avoir permis de découvrir cette auteure et ce roman.
La couverture nous emmène déjà vers l'Iran avec son camaïeu de bleus qui rappellent Ispahan. 200 pages "seulement" mais un vrai voyage et une histoire aboutie. Je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre avant de recevoir l'ouvrage, la perspective du cadre iranien seule ayant motivé ma demande.
Sans attente particulière que de "voyager", j'ai donc abordé le roman en me laissant porter.
le premier quart m'a décontenancée, d'abord par l'écriture chorale que je n'apprécie pas beaucoup, puis par la façon d'introduire les deux héroïnes et leur personnalité:
-Tala, jeune Iranienne de 18 ans, déjà veuve et jeune maman, et tout juste orpheline de mère, engluée dans les obligations familiales ; on étouffe avec elle dans le quotidien de son petit appartement chaotique hanté par un fantôme de sa mère. elle st attachante, mais
- l'Européenne : hormis qu'elle est une femme, elle reste "floue" ! française ? A-t-elle un prénom, un vrai ? Elle a eu un coup de foudre pour l'Iran avant d'y mettre les pieds et elle est prête à tomber amoureuse d'une Iranienne qui ressemblerait un peu à la femme fascinante aperçue sur les photos d'un ami; Elle abandonne tout et prend l'avion pour Téhéran sur un coup de tête, sans problème visiblement pour le visa et autres questions pratiques pour entrer dans ce pays pourtant diplomatiquement peu aisé d'accès; elle passe les douanes sans souci et se balade dans le pays apparemment sans surveillance : peu crédible !
Cette première partie m'a semblé dense, trop touffue, beaucoup d'informations mais souvent partielles, trop d'histoires parallèles et un va-et-vient dans des temporalités différentes; le style est parfois elliptique, haché et difficile à appréhender... les deux héroïnes sont perdues et moi aussi ! on va où, là ?

Le deuxième quart s'efforce de donner une direction plus claire à l'histoire, avec la rencontre des deux femmes qui "s'adoptent" en un clin d'oeil, l'Européenne se glissant dans l'appartement et le quotidien de Tala sans heurts, sans surprise, triomphant de toute barrière culturelle et pudeur qui auraient pu (dû ?) exister ... entre "viens prendre un thé " et "installe-toi chez moi, mets les vêtements de ma mère, sers-toi dans l'armoire et lis les carnets intimes de la défunte que tu n'as pas connue", il y a une grosse marge !
Honnêtement, jusques là, le livre ne m'avait pas vraiment convaincue.
Heureusement la seconde moitié du livre, à partir de la quête du passé de la mère de Tala, donne enfin sens et cohésion à l'histoire.
La concrétisation de l'aventure amoureuse entre les deux femmes est évoquée de manière pudique : on l'a vue arriver avec de gros sabots dès le début du roman. L'auteure l'utilise comme un moteur pour permettre aux deux femmes de trouver la force d'aller de l'avant, et c'est suffisant.

Aller de l'avant dans la quête du passé de la mère....c'est surtout et enfin (!) dans l'histoire de la mère sur "l'île longue" que Là, j'ai lu, vu et reconnu l'Iran que j'ai eu la chance de visiter (en partie) il y a trois ans. Les Iraniens aiment les mots, la musique des mots et la musique créée par les mots : il faut aller la nuit dans les jardins de Shiraz écouter les poèmes d'Hafez déclamés au milieu des arbres et des fontaines pour le comprendre (même si on ne parle pas un mot de persan, ou qu'on devine que la traduction ne lui rend pas justice !).
L'histoire de la mère, c'est l'Iran d'aujourd'hui:
- une tradition de liberté, de dire, de chanter (le bonheur, les difficultés, l'amour, la nature ...), une âme sensible et poétique étouffée par un régime qui réprime l'émotion, l'expression et la démonstration des sentiments, la liberté d'expression, les Arts...
- une recherche d'espaces de liberté : les plages, les forêts, les caves, le désert ... que le régime traque systématiquement;
- la répression dans les prisons où la police des moeurs s'applique à vous faire passer toute volonté de liberté, d'esprit d'indépendance, de pensée individuelle et personnelle...

L'histoire de la mère est pour moi la seule partie où il n'y a pas de longueurs, où tout est plus cohérent et vraisemblable.
Je trouve très beau que ce soit sur l'île où Pegah -la mère de Tala- a libéré puis a perdu sa voix dans les geôles du régime, que Bijan sa petite fille apprenne à parler (même si c'est un sabir mélangeant français -la langue du pays des Droits de l'Homme et de la Révolution- et persan).
En bref, patientez et persévérez pour atteindre en seconde partie l'essence de l'Iran !
On a finalement un portrait qui me semble assez juste de l'Iran.On pourra par exemple compléter l'approche de cet Iran patrie des Arts censurés et brimés avec des films comme Desert Dancer ou encore Les chats persans, voire avec A propos d'Elly qui aborde la dictature sociale.
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