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Critique de florence0805


Dustin, psychologue de métier, vit à Cleveland avec sa femme et ses deux fils. Il a réussi à trouver un équilibre malgré une adolescence bouleversée par le meurtre de ses parents. Mais son passé remonte à la surface lorsqu'il apprend que son frère adoptif Rusty vient d'être libéré de prison, innocenté par un test ADN : trente ans auparavant, Rusty avait été condamné pour le meurtre des parents, de l'oncle et la tante de Dustin, sur le témoignage de celui-ci. Peu après, Jill, l'épouse de Dustin, meurt d'un cancer. Tout s'écroule alors pour Dustin, qui se lance sous l'insistance d'un de ses patients dans une enquête obsédante autour d'un hypothétique serial killer. Cette enquête représente pour Dustin une distraction (bien que macabre !) qui détourne son attention de son triste quotidien.
D'emblée, le ton est donné par le titre du roman, excellemment traduit : l'oxymore rend bien l'idée d'une énergie négative latente sous l'apparente tranquillité des choses. Cette malveillance est ressentie à plusieurs reprises par Dustin, qui perçoit « un regard braqué sur son dos », « une présence qui ne [l']aime pas ». La malveillance est ressentie aussi par les deux fils de Dustin, Aaron et Dennis. Seront-ils eux aussi marqués par la malédiction familiale ? Les rites sataniques à la mode dans les années 80 évoqués dans le roman contribuent à rendre l'atmosphère sombre du roman.
La citation De La Fontaine choisie par l'auteur en exergue résume bien la difficulté d'échapper à son destin, son passé. Ce passé est présent tout au long du roman car on oscille en permanence entre le passé et le présent, qui nécessitent tous deux d'être élucidés.
le thème de la mémoire s'impose comme un des principaux sujets du roman. La mémoire est sélective : Dustin ne se souvient pas vraiment de la nuit du crime. C'est ce qui lui permet d'avancer dans la vie : « c'était apparemment en ne mémorisant rien qu'il semblait redevenir lui-même. » Mais pour combler les vides, les souvenirs peuvent être reconstruits, comme ceux que Dustin a créés au sujet de la culpabilité de Rusty, sous l'influence de sa cousine Kate. Car Dustin a toujours été quelqu‘un de malléable : en plus de sa cousine, Dustin a été dominé et manipulé par Rusty. Adulte, Dustin sera manipulé par son patient Aqil qui l'entraîne dans son enquête, véritable descente aux enfers. Grâce à ces souvenirs reconstruits, Dan Chaon entraine ses personnages et ses lecteurs aux frontières de la réalité. le point de vue le plus présent dans le roman est celui de Dustin ; mais pouvons-nous vraiment nous fier à quelqu'un d'aussi influençable que lui ? D'autant plus que l'auteur sème le doute sur la double-personnalité de Dustin ; son fils Aaron évoque même la schizophrénie de son père… L'idée de la dissociation est d'ailleurs associée à plusieurs personnages. Liée à un trouble psychologique chez Dustin, elle est causée par la prise de drogues pour son fils Aaron. Cette dissociation amène une rupture dans la forme du roman : à plusieurs reprises, les pages sont découpées en trois ou quatre colonnes ; cela permet à l'auteur de décrire une action sous différents points de vue correspondant aux « moi » divers du personnage. Un prodigieux effet de manche !
Autre exemple d'inventivité dans la forme : il y a des blancs dans le texte, correspondant aux blancs dans la pensée ou dans les phrases de Dustin, qui a tendance à laisser ses phrases en suspens. le choix de l'emploi des blancs à la place des points de suspension est une belle trouvaille.
Une douce lueur de malveillance est un sacré grand roman : la forme est originale, la psychologie des personnages est très approfondie, la construction est percutante grâce aux va et vient entre le passé et le présent et à la polyphonie des chapitres. On est pris par l'histoire et on a vraiment envie de savoir ce qu'il va advenir de ces personnages presque faits de chair. C'est un roman très sombre et déroutant, qui nous bouscule. La tension va crescendo, jusqu'au coup de théâtre final. Car bien sûr le mal n'est pas toujours là où l'on croit ! Normal pour un roman dont cette citation de Lao Tseu est un des mantras : « le Tao dont nous parlons n'est pas le vrai Tao. le nom qui peut être nommé n'est pas le vrai nom ». Dan Chaon joue avec nos nerfs jusqu'au bout. Un lumineux roman noir.
Un grand merci à Albin Michel, Terres d'Amérique et au #PicaboRiverBookClub de m'avoir permis de lire ce roman en avant-première.



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