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Critique de Luniver


L'expansion rapide du territoire du IIIe Reich a posé un problème à l'administration nazie (bon, en vrai, ça a surtout posé des problèmes aux populations locales, mais laissons cet aspect de côté dans cette critique) : en effet, le nombre de fonctionnaires et de cadres n'augmente pas en proportion des conquêtes. Il faut donc faire toujours plus avec des ressources humaines qui ne changent pas.

L'auteur montre comment a émergé une pensée du management directement dérivée des idées nazies. Paradoxalement, elle ne se reposait pas sur une hiérarchie stricte, comme on pourrait s'y attendre dans un système autocratique, mais au contraire sur une décentralisation extrême. Tout d'abord en s'inspirant du mythe de la « liberté du Germain », en opposition à une application tatillonne et (surtout) judéo-romaine de la loi. Ensuite, en favorisant la compétition, censée sélectionner les meilleurs éléments : l'auteur montre qu'il n'était pas rare que plusieurs agences aient des missions similaires, celle apportant la meilleure solution étant automatiquement justifiée dans toutes ses actions. Enfin, en abolissant le conflit de classe patron-travailleur : chacun doit être convaincu du bien-fondé de sa mission et doit faire le maximum pour servir le système. À ce titre, il doit prendre en charge lui-même la santé physique et mentale de ses travailleurs, afin de s'assurer qu'ils soient correctement reposés et prêts à donner toute leur énergie.

On se retrouve au final avec un système dans lequel toute la pression retombe sur les éléments à la base : leurs objectifs sont fixés, sans la possibilité de les modifier ou de les déclarer irréalisables, mais ils sont « libres » de choisir la meilleure manière de les atteindre. Un objectif non-atteint sera donc toujours de leur faute, jamais de celle du supérieur : il fallait être plus souple, plus efficace, plus malin.

Ce système a survécu au régime nazi : beaucoup de cadres se sont en effet recyclés dans le civil, dont des écoles de management, car, après tout, le régime était un modèle d'efficacité. C'est là où le propos du livre devient ambigu : l'auteur montre que le passé nazi de certains professeurs a été dévoilé, que leurs principes de management ont finalement été écartés, … et pourtant, on ressort du livre avec l'idée que toutes les entreprises, encore aujourd'hui, s'inspirent d'idées nazies pour gérer leur personnel ; idée qui m'est restée également après avoir entendu des interviews de l'auteur. J'aurais préféré que l'auteur approfondisse ce sujet, ou qu'il s'en tienne au cadre strictement historique, car il me semble trop grave que pour être abordé uniquement par quelques suggestions éparpillées dans plusieurs chapitres.
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