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Critique de kuroineko


Livre lu dans le cadre d'une opération Masse Critique spéciale. Un grand merci à Babelio pour cette proposition, ainsi qu'aux éditions du Seuil pour leur envoi.

"Pour vivre heureux, vivons perchés"... Ce slogan sur tee-shirt vantant les bonheurs des altitudes "stupéfiantes" résume une partie des Sirènes d'Es Vedra. Une partie seulement car le premier roman de Tom Charbit est beaucoup plus riche que la seule évocation des souvenirs de Juan Llosa, DJ mondialement reconnu et un des maîtres de la musique électronique. Pour être perché, il l'est! Ou plutôt, ses vingt années précédant le récit l'ont été. Alcool, drogues de toutes sortes, célébrité, sexe et jolies plages... tout y est. Y compris l'envers du décor : le jetlag permanent, le dos bousillé par la station debout des heures et des heures, le sommeil en infimes pointillés, les redescentes et les mauvais trips, la surdité forcée par ce genre de vie....

D'où la décision du narrateur de décrocher et d'aller se terrer dans un coin de l'Ardèche. Pour calmer ses acouphènes (pas simple quand le mistral donne à plein). Surtout pour cacher à la planète techno qu'il devient sourd et ne se sent plus apte à assurer ses sets sans grabuge. Et, inconsciemment, pour faire le point à la charnière de la quarantaine.

Difficile de trouver plus opposé comme mode de vie... Et pourtant, l'adulé des clubbers va finir par s'intégrer à l'ambiance d'habitués du petit bar de Ouioui, loin des projecteurs, des bimbos et des "croquettes" qui envoient planer très haut. Ici c'est plutôt tournées au blanc et la découverte de la "poire-chat" (alcool de poire - liqueur de châtaigne... aïe aïe aïe). Et des gens attachés à leur terre, à la préservation de ce qui peut encore l'être dans l'environnement. Et prêts à batailler contre les velléités d'utilisation du gaz de schiste. Juan le fêtard non-stop et insouciant découvre ici l'engagement éthique et l'éthique de vie. Des éthiques même avec les exilés volontaires des grandes villes venus retrouver du sens en Ardèche. L'auteur se révèle grinçant dans la description de certaines "modes" de vie.

Juan revient également sur les amours volatiles de ses deux décennies perchées. Et sur son grand amour d'étudiant.

À travers son narrateur, Tom Charbit pose un regard lucide et souvent amer sur notre époque, sur la vie et ses aléas voire ironies dramatiques. La question des choix que l'on fait et qu'il faut assumer ou payer revient régulièrement au long de ses pages.
J'ai apprécié le style net et direct de l'auteur, sa façon de montrer nombre de clichés pour mieux les démonter et faire voir les réalités sous les façades. J'ai aimé ses descriptions de l'Ardèche, qu'il connaît bien, qui dépeignent sa beauté âpre aussi bien que ses côtés moins faciles à vivre.

Et quid du titre dans tout ça? Es Vedrá est une petite île voisine d'Ibiza. Certains pensent que c'est là qu'Ulysse entendit les fameuses sirènes dont le chant trop beau amenait les marins à fracasser leur navire sur les écueils. Une symbolique très forte en filigrane du récit. Car vouloir écouter les sirènes à un prix. Élevé, forcément.

Une belle découverte, en conclusion, que ce roman. Beaucoup de profondeur, beaucoup de thèmes abordés (peut-être un peu trop même), une écriture plaisante à lire et une dernière partie qui prend aux tripes. Que dire d'autre sinon "Encore!"
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