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Critique de EvlyneLeraut


Majuscule d'un cahier du jour « Rue des Pâquerettes » est un récit olympien, profond, sublime, si sublime. L'auteur Medhi Charef écrit sur l'ardoise mémorielle à la craie blanche, un récit lumineux et vivifiant. Pourtant, on aurait pu sombrer dans le pathos, le gris, les larmes et les jugements, poussières sous le tapis de l'irrévocable. Il n'en est rien. Mehdi Charif est habile, perspicace, sème dans les ruelles gorgées de boue, des miettes de pain empreintes de force et de courage pour ces petits Algériens dont les ailes ont du mal à s'ouvrir. L'école des Pâquerettes est un nom de gloire, fil rouge emblématique d'un récit pragmatique dont les images semblent celles d'un film en noir et blanc des années 60. Mené par une voix off, celle d'un petit Algérien de 10 ans déraciné de sa terre-mère et dont l'intelligence est un garde-fou. « ça ne fait pas très longtemps que je suis en France, à l'école des Pâquerettes, et déjà monsieur Raffin, notre instituteur m'a désigné pour faire la lecture dans la classe. » Ce petit Poulbot des temps modernes, à l'âme d'un chevalier. Petit point dans ce bidonville, pâquerette poussée subrepticement entre les fissures de sa cabane bancale, spartiate et sans confort où il s'éveille à la vie avec les siens. Arrivés en France, bagages lourds sur la conscience d'un père qui accueille ces derniers dans le sombre de ses jours. « Il fait très froid dans la baraque. Mon père est allé à la mairie demander des couvertures, que nous aurons la semaine prochaine. La Seine est gelée. » Notre petit hôte va s'enrichir, grandir dans le miracle de l'intelligence. Son maître, plus qu'un enseignant offre à son élève le vertueux, la persévérance., la foi en son devenir. « Comme convenu avec mon maître, tous les samedis midi, je lui fais lire ce que j'ai noté dans le calepin qu'il m'a offert. » « Jamais de « cependant » ou d'autres adverbes de ce style, ne peins pas avec le pinceau des autres, n'écoute rien qui ne soit de ton parler à toi pour le moment…. » Ce récit est une étoffe de laine dont on prend toute l'énergie, un symbole de lutte et d'espoir. Un récit qui illumine les valeurs de l'enseignement, ces hommes et femmes de bonne volonté, ces passeurs du verbe. Ce bidonville palpite sous la douceur d'une trame ciselée, juste et aérienne comme si les phrases étaient un chant venu des profondeurs de la terre et dont la musique fait écho à Medhi Charef. Dans cette idiosyncrasie où l'immigration est synonyme de survivance et d'entraide, ce Petit Chose dont on aime la ténacité est le symbole d'une intégration possible et réussie. Son père au corps lourd de fatigue n'est pas un contre-exemple. Juste ce manichéen qui pose sa stature à fleur de peau, de sueur et de gerçures, bercé au son du marteau piqueur, c'est ici, qu'il récite à n'en plus finir son rêve de trouver la pépite emblématique, nourricière et égalitaire. Sa famille n'est pas un fardeau pour lui mais un point d'appui invincible. Ce récit est une invitation à fouler le réel . Cette page de notre Histoire est certes un sanglot étouffé dont on détourne les yeux de honte. Néanmoins dans ce récit la pépite trouvée grâce à la noblesse du père est théologale. Publié par les Editions Hors d'Atteinte « Rue des Pâquerettes » est en lice pour le Prix Hors Concours 2019 Gaëlle Bohé et c'est une grande chance.
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