AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Biblioroz


Mehdi Charef fait ressurgir ici le quotidien, les découvertes, les restes de son pays, les pensées et les rêves qui ont habité ses premiers mois vécus en France. Un regard d'enfant de dix ans.

Hiver 1962, classe de rattrapage à l'école des Pâquerettes, Nanterre. Mehdi écrit déjà ses rêves dans ses rédactions mais aussi la réalité de son arrivée en France. Ces enfants d'immigrés sont là pour prendre la relève de leurs pères sur les chantiers ou, au mieux, en usine s'ils arrivent correctement à lire et écrire le français.
Comment comprendre à dix ans que désormais il faut vivre dans le pays du colonisateur, ce Français que l'on craignait et dont on avait peur en Algérie ? Pourquoi être arraché à son pays, à tout ce qui emplissait sa vie, laissant derrière lui la tristesse de sa grand-mère qu'il ne reverra plus ?
« Tout petits nous sommes déjà anéantis par l'exil, notre enfance derrière nous, une enfance qu'il faut renier, oublier, à commencer par notre langue. »
En ce mois de novembre, la boue du bidonville s'est substituée à la poussière du reg.

Ce récit est dédié à son père qui partait tôt le matin sur son Solex pour aller casser les routes. Ce père qui était déjà en France depuis quelques années et dont la honte se fait sentir lorsqu'il emmène, pour la première fois, sa famille venue le rejoindre dans la baraque bricolée de planches de bois et de plaques de goudron en guise de toiture qui sera désormais leur logement. L'exil est amer, loin d'être enrichissant.

L'auteur retrace son quotidien, dans toute sa simplicité, si près de l'essentiel : se nourrir, se chauffer, se vêtir et accéder à un minimum d'éducation pour les enfants. Rapidement, observateur, il sait que le retour au pays restera une chimère. La seconde génération est là pour rester.
Il nous parle aussi de sa sensibilité, de son regard rêveur sur les choses, de son appétit à avaler les mots et de son triste manque de dictionnaire pour tous les comprendre.
Il esquisse avec tendresse le portrait de sa mère qui ne pouvait se résoudre à sortir le visage découvert. Cette mère qui gardait toute sa dignité derrière la pauvreté qu'elle a côtoyée là-bas, chez elle, et qui la poursuit aussi sur cette terre d'asile.
À l'école des Pâquerettes, il nous fait entendre avec émotion la voix de son maître, monsieur Raffin, qui lui ouvre les yeux sur la vraie richesse : la connaissance. Cet instituteur est à l'écoute et l'encourage à écrire pour éloigner le risque de haine, latent.
Et bien sûr, quelques bribes de la guerre qui sévissait, là-bas, mais juste esquissées, comme un constat.

Oui, c'est un beau récit, simple et émouvant, qui met à jour un des chapitres du passé peu reluisant de cette France qui manquait cruellement de bras vigoureux mais qui ne songeait pas à loger décemment ces hommes. Avaient-ils tout au plus l'autorisation de se construire des bidonvilles, et encore. C'est un récit d'enfance où l'on ressent la misère, la honte, la débrouille mais aussi l'attachement filial, la vie qu'il faut tout de même saisir loin de ses racines.
Je remercie Babelio et les éditions Pocket pour ce petit livre vibrant et intimiste.
Commenter  J’apprécie          297



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}