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Critique de Floyd2408


La musique de l'amitié

David Chariandy est un écrivain canadien anglophone, natif de Scarborough en Ontario, vivant à Vancouver, enseignant la littérature anglaise à la Simon Fraser University. Il publie son premier roman en 2007 sous le titre, Soucouyant, avec son deuxième roman Brother, il remportera le prix Rogers Writers 'Trust Fiction en 2017.
Ce troisième roman 33 tours visite un passé proche de notre auteur, comme une ballade lointaine vers une époque caressant une enfance réveillant cet adage, je n'oublie pas. L'intrigue prend ses lettres de noblesse dans la ville chère à notre auteur, Scarborough, un quartier précis où le métissage de la population est le poumon respirant les influences diverses de chacun, comme un îlot émergeant des cultures s'entremêlant, pour survivre au clivage incertain des minorités blancs, maitre de la justice et de l'autorité.
La prose sous la plume de la traduction de l‘anglais par Christine Raguet entraine le lecteur vers une musique sourde et mélancolique d'une génération sacrifiée, une jeunesse bercée par la musique et la dérive de faire partie d'une bande, d'être dans un groupe, où la mélopée du hip-hop crie sa force, le son monologique d'un D'J coule le refrain de la réussite, ou de la déchéance.
La dérive lente et dramatique d'une famille d'originaire de Trinidad, deux garçons et leur mère, un père fantôme, parti sans laisser de trace. le destin de ces deux garçons dans cette banlieue de Toronto, dans cette toile d'immigré, façonnant leur culture, leur enfance au bord de la Rouge, ces deux frères adolescents Michael et Francis l'ainé, trainent leur espoir, la fatalité stérile des descentes de flics sans cesse, des propos racistes, un refrain humiliant cette trinité, comme une habitude quotidienne, blessant le coeur innocent de Francis, gravant à jamais cette scène de centre commerciale pour avoir cette amertume rongé son avenir et son esprit, Francis à cet instant débute son suicide sociétale.
Le roman narre avec beaucoup de subtilité et de tendresse, le combat sans cesse de cette famille, Ruth, une mère célibataire élevant ces deux enfants, travaillant avec rage jour et nuit pour ces deux progénitures, sous le regard de plus jeunes des enfants , Michael, éclairé par la visite de son amie d'enfance Aisha, revenu des années plus tard pour le décès de son père, s'hébergeant chez lui.
Cette femme revenant dans son quartier d'enfance comme un tsunami bouleverse la vie tranquille et inerte de cette famille dans le deuil depuis trop longtemps, Ruth en proie à des crises d'absences et son fils Michael fuyant sa vie dans la travail abrutissant, esclave de ce drame, véhiculant dans son sang, cette morosité, durcissant son coeur et sa vision de la vie, devenant solitaire.
Au fil de la mémoire de Michael, la vie trouble et morcelée s'égrène comme une blessure profonde, une vie de famille de sacrifice et de joie aussi, la visite dans sa terre natale au loin de ses souvenirs, sentir un peuple au lien sanguin, une terre sauvage, une famille inconnue.
La fratrie des deux frères se fissure lentement, au fil de l'adolescence Francis rencontre la musique à travers des amis, comme la chanson de Nina Simone « Ne me quitte pas » le rapprochant du papa d'Aisha, mais petit à petit la vie de Francis s'effrite, avec le meurtre d'un de ces amis, lors d'une bagarre de rue, une fusillade, dans ses bras, les balles sifflant autour de leur oreilles, avec son frère, raccompagnés chez leur maman par les forces de police au yeux de tous les voisins, une haine diffuse s'installe, une brèche vers un non-retour, faisant écho à ce meurtre, le guidant vers un destin fatal.
Il y a aussi l'ambiguïté sur la vie sexuelle de Francis, étant proche de son ami D'J , une relation trouble, le poussant à un acte de folie lors d'un contrôle aléatoire dans leur repaire du salon de coiffure, une visite arbitraire, une harcèlement permanent, une provocation policière.
Ce roman ruisselle dans les méandres des années 80 dans une banlieue constellée de peuples diverses, échoués et parqués dans ce quartier, dans une atmosphère pesante, mais l'un des frères s'échappe dans la musique l'autre dans la bibliothèque sous le charme de la belle et intelligente Aisha. L'amour, l'amitié protège l'âme humaine de ces démons, Aisha est cet ange, ce catalyseur cristallisant le passé et le présent pour les réconcilier. C'est un roman traversant la tragédie avec beaucoup de pudeur, distillant par des petites scènes, la noirceur brut de cette époque, la légèreté de musique, la douceur de l'amour maternelle, puis la fraternité de l'amitié comme un sésame de la vie.
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