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EAN : 9782889275908
17 pages
Editions Zoé (06/09/2018)
3.67/5   35 notes
Résumé :
À Scarborough, on boit des bières au bord de la Rouge, on rêve d’Aisha, la fille la plus intelligente du lycée, on se bat avec les gangs rivaux. Ou alors on se retrouve chez Desirea’s, qui tient autant du salon de coiffure que du night club. Michael et Francis, deux frères adolescents, mènent dans cette banlieue de Toronto une existence rythmée par les descentes de flics et le racisme ambiant. Ils n’ont jamais connu leur père et leur mère, Ruth, travaille nuit et jo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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La musique de l'amitié

David Chariandy est un écrivain canadien anglophone, natif de Scarborough en Ontario, vivant à Vancouver, enseignant la littérature anglaise à la Simon Fraser University. Il publie son premier roman en 2007 sous le titre, Soucouyant, avec son deuxième roman Brother, il remportera le prix Rogers Writers 'Trust Fiction en 2017.
Ce troisième roman 33 tours visite un passé proche de notre auteur, comme une ballade lointaine vers une époque caressant une enfance réveillant cet adage, je n'oublie pas. L'intrigue prend ses lettres de noblesse dans la ville chère à notre auteur, Scarborough, un quartier précis où le métissage de la population est le poumon respirant les influences diverses de chacun, comme un îlot émergeant des cultures s'entremêlant, pour survivre au clivage incertain des minorités blancs, maitre de la justice et de l'autorité.
La prose sous la plume de la traduction de l‘anglais par Christine Raguet entraine le lecteur vers une musique sourde et mélancolique d'une génération sacrifiée, une jeunesse bercée par la musique et la dérive de faire partie d'une bande, d'être dans un groupe, où la mélopée du hip-hop crie sa force, le son monologique d'un D'J coule le refrain de la réussite, ou de la déchéance.
La dérive lente et dramatique d'une famille d'originaire de Trinidad, deux garçons et leur mère, un père fantôme, parti sans laisser de trace. le destin de ces deux garçons dans cette banlieue de Toronto, dans cette toile d'immigré, façonnant leur culture, leur enfance au bord de la Rouge, ces deux frères adolescents Michael et Francis l'ainé, trainent leur espoir, la fatalité stérile des descentes de flics sans cesse, des propos racistes, un refrain humiliant cette trinité, comme une habitude quotidienne, blessant le coeur innocent de Francis, gravant à jamais cette scène de centre commerciale pour avoir cette amertume rongé son avenir et son esprit, Francis à cet instant débute son suicide sociétale.
Le roman narre avec beaucoup de subtilité et de tendresse, le combat sans cesse de cette famille, Ruth, une mère célibataire élevant ces deux enfants, travaillant avec rage jour et nuit pour ces deux progénitures, sous le regard de plus jeunes des enfants , Michael, éclairé par la visite de son amie d'enfance Aisha, revenu des années plus tard pour le décès de son père, s'hébergeant chez lui.
Cette femme revenant dans son quartier d'enfance comme un tsunami bouleverse la vie tranquille et inerte de cette famille dans le deuil depuis trop longtemps, Ruth en proie à des crises d'absences et son fils Michael fuyant sa vie dans la travail abrutissant, esclave de ce drame, véhiculant dans son sang, cette morosité, durcissant son coeur et sa vision de la vie, devenant solitaire.
Au fil de la mémoire de Michael, la vie trouble et morcelée s'égrène comme une blessure profonde, une vie de famille de sacrifice et de joie aussi, la visite dans sa terre natale au loin de ses souvenirs, sentir un peuple au lien sanguin, une terre sauvage, une famille inconnue.
La fratrie des deux frères se fissure lentement, au fil de l'adolescence Francis rencontre la musique à travers des amis, comme la chanson de Nina Simone « Ne me quitte pas » le rapprochant du papa d'Aisha, mais petit à petit la vie de Francis s'effrite, avec le meurtre d'un de ces amis, lors d'une bagarre de rue, une fusillade, dans ses bras, les balles sifflant autour de leur oreilles, avec son frère, raccompagnés chez leur maman par les forces de police au yeux de tous les voisins, une haine diffuse s'installe, une brèche vers un non-retour, faisant écho à ce meurtre, le guidant vers un destin fatal.
Il y a aussi l'ambiguïté sur la vie sexuelle de Francis, étant proche de son ami D'J , une relation trouble, le poussant à un acte de folie lors d'un contrôle aléatoire dans leur repaire du salon de coiffure, une visite arbitraire, une harcèlement permanent, une provocation policière.
Ce roman ruisselle dans les méandres des années 80 dans une banlieue constellée de peuples diverses, échoués et parqués dans ce quartier, dans une atmosphère pesante, mais l'un des frères s'échappe dans la musique l'autre dans la bibliothèque sous le charme de la belle et intelligente Aisha. L'amour, l'amitié protège l'âme humaine de ces démons, Aisha est cet ange, ce catalyseur cristallisant le passé et le présent pour les réconcilier. C'est un roman traversant la tragédie avec beaucoup de pudeur, distillant par des petites scènes, la noirceur brut de cette époque, la légèreté de musique, la douceur de l'amour maternelle, puis la fraternité de l'amitié comme un sésame de la vie.
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Mon coup de coeur de la rentrée littéraire !
Un roman intense et émouvant.
Une belle écriture, puissante et poétique.

Le titre original du roman est "Brother".
Frère. Oui, il s'agit bien du coeur du récit.
Michael raconte sa vie avec son frère, Francis.
Ils vivent avec leur mère, originaire du Trinidad, qui les a élevés seule, à Scarborough. "Manman", comme ils l'appellent, cherche à leur offrir la possibilité d'une vie meilleure. Elle travaille jour et nuit, rentre épuisée. Elle n'a pas eu la vie qu'elle escomptait avoir en émigrant au Canada. Elle est dure avec eux parfois car elle ne veut pas qu'ils laissent passer des opportunités, elle espère - comme tous les parents- que ses enfants auront plus, ou en tout cas, mieux qu'elle.

En français, "33 tours" fait référence aux disques que Francis écoute et mixe avec ses amis chez "Desirea's", un salon de coiffure qui, à la nuit tombée, se transforme en night-club. Référence à la passion pour la musique, le hip hop notamment, qui représente pour ces enfants d'immigrés, un espoir, une chance de s'en sortir.

A travers cette famille, et les personnages secondaires, on suit le destin de nombreux immigrés, leurs vies, leurs batailles, leurs rêves - souvent inaboutis.
On découvre aussi le racisme ambiant que les habitants de cette banlieue subissent... les inégalités, les injustices et la violence.

Mais il y a aussi, et surtout, de la beauté et de l'amour. L'amour fraternel et maternel. L'amour romantique entre deux personnes, ou encore l'amour pour la musique.
Il y a aussi de l'entraide, de la solidarité, et des succès.

Ce livre nous fait ressentir. L'amour, mais aussi le courage, l'épuisement et même la chaleur. La tristesse, la colère, la violence.

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Élégie pour un frère.

C'est court, c'est intense.

David Chiarandy opte pour la brièveté, la subtilité et tisse habilement le passé avec le présent pour raconter une histoire de lien fraternel.

Dès le départ, le lecteur a le sentiment inévitable que des vies pleines de promesses vont être gâchées ou qu'elles prendront fin tragiquement. le danger semble toujours proche dans cette banlieue de Toronto où vit la famille de Michael. Alors oui on est loin du « feel-good » mais Chariandy derrière cette histoire nous parle énormément d'amour. L'amour d'une mère, l'amour pour un frère, l'amour d'une communauté qui sait être solidaire quand tout le monde fait face aux mêmes problèmes et partage les mêmes rêves.

Un court roman sans mot inutile qui assène un puissant coup de poing, explorant les questions d'immigration, de masculinité, de famille, de racisme, de perte, de chagrin, de brutalité policière, le tout sur fond de musique hip hop.

Soutenez ce beau roman.
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David Chariandy, auteur canadien, s'est fait connaître en 2007 avec son premier roman Soucougnant qui eut alors un fort retentissement en Amérique du Nord. Mais j'ai, pour ma part, découvert cet auteur avec la publication de 33 tours. Une belle et émouvante découverte.
Il y a dans la construction et l'ambiance du récit, des éléments qui m'ont rappelé les meilleurs épisodes de la série américaine Cold case. Un compliment, précisons-le, au cas où....
David Chariandy manie avec dextérité et souplesse l'art du flash-back continuel. Comme dans la série, chaque retour en arrière nous ramène à l'époque du drame, à la charnière des années 1980-1990, qu'il cerne et reconstitue visuellement, grâce aux détails des modes vestimentaires et capillaires notamment. Les protagonistes de l'histoire soudain rajeunissent de quelques années comme sous l'effet d'un morphing, replongeant dans un passé pas si lointain, très présent encore, déjà mis à distance pourtant. Une émotion communicative.
Cold case aussi parce que le lecteur ne découvre que progressivement les raisons de la tragédie. On sait très vite que le frère de Michael, narrateur de l'histoire, est mort. Mais si les conséquences de cette mort sont immédiatement au premier plan du récit, les circonstances précises ne se dévoilent qu'au long des retours en arrière. le retour d'une jeune femme, Aisha, constitue l'élément déclencheur du surgissement du passé, mal enfoui dans les mémoires de Michael et de sa mère, Ruth,
Comme dans Cold Case, une bande-son accompagne la vie des personnages durant ces flash-back. Bande-son de la nostalgie, celle d'avant la mort, celle aussi de l'exil, pour les habitants de ce quartier métissé de Toronto, celui de Scarborough, que David Chariandy connaît parfaitement pour y avoir grandi. .
Car David Chariandy est bien un écrivain de l'exil, de la nostalgie des terres originelles quittées pour un monde meilleur et où l'on vit pourtant à peine mieux. Originaires de Trinidad, Michael et son frère éprouvent ce sentiment de n'être chez eux, ni où ils vivent, ni dans ce pays des origines qu'ils connaissent si mal.
A noter : si le titre français 33 tours n'a rien d'absurde et fonctionne bien, le titre anglais Brother ouvre plutôt vers la thématique du lien fraternel et familial, déjà présente dans Soucougnant.
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À Scarborough, dans la banlieue de Toronto, "33 tours" nous emmène au début des années 90 à la rencontre d'une famille Canadienne d'origine Trinidadienne.
Ruth, la mère a émigré il y a des années de cela vers le continent Nord Américain, espérant trouver des conditions de vies meilleures pour ses enfants. Elle vit de petits boulots, travaille d'arrache-pied, rentre tard le soir, exténuée.
Après tout ces efforts, elle trouve encore la force, seule, d'élever ses deux garçons, Michael et Francis, et de les maintenir dans le droit chemin grâce à une éducation stricte mais nécessaire dans un environnement où la violence urbaine ne cesse de croître. La diversité culturelle est une des forces de ce Canada nouvelle génération, seulement au début des années 90 le racisme et les descentes de police étaient d'une violence et d'une récurrence supérieure encore.

Le roman est donc divisé entre ce passé tumultueux et ce présent dont on ne sait rien. Car entre temps un drame est arrivé. Un drame humain, une perte incommensurable qui a transformé les coeurs et les esprits, et impacté pour toujours la destinée de cette famille. Et David Chariandy va nous replonger dans ces événements passés, en sorte d'exutoire pour ses personnages profondément touchés.

David Chariandy réussi ici à brillamment montrer la difficulté du quotidien d'une mère seule. de la force et de l'abnégation nécessaire pour donner à ses enfants un futur et des possibilités supérieures aux siennes. C'est aussi un très beau roman sur la relation fraternelle entre Michael et Francis. Francis, l'aîné, devenu homme de la maison par la force des choses, faute de présence d'un vrai père. Michael, le cadet, introverti, peu confiant, désire tout apprendre de ce grand frère qu'il admire, sa magnifique relation d'amour avec Aisha a été un gros point fort du roman pour moi.

33 tours vous guidera entre les odeurs culinaires caribéennes, la culture urbaine afro-américaine et la nécessité de continuer à avancer malgré les tragédies humaines.
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critiques presse (1)
Lexpress
05 novembre 2018
L'auteur enchevêtre à la perfection les temporalités, comme il excelle à dépeindre l'amour filial et fraternel du narrateur. C'est cette tendresse, merveilleuse, contrastant avec la rudesse du décor, qui irradie ce beau roman.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
À partir de ce jour, maman était devenue quelqu'un dont j'allais devoir m'occuper. Je me trouvais face à la nécessité quotidienne de la surveiller, de m'assurer qu'elle mangeait et qu'elle essayait de dormir. Elle devint une excuse pratique quand des gens passaient nous voir ou nous présenter leurs condoléances, et, quand les gars de Desirea's revinrent pour discuter avec moi, je pus expliquer sur un ton irrité qu'ils nous dérangeaient. Ils ne revinrent jamais.
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Manman ne brocha pas. Elle ne dit pas que notre père nous avait quittés des années plus tôt. Elle n'avoua pas qu'elle n'avait eu ni le temps, ni l'argent pour terminer ses études d'infirmière. Elle ne fit allusion ni aux dettes, ni aux efforts, ni aux douleurs qu'elle éprouvait souvent. Tandis que nous nous dirigions vers l'aéroport, elle se contenta d'opiner de la tête et de regarder par la vitre les hautes silhouettes noires des cocotiers sur fond de ciel du soir et les anciens champs de canne délaissés qui s'étendaient à l'infini comme une mer.
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Francis faisait des cauchemars. Il dormait dans le lit du haut et je l'écoutais respirer, ce léger sifflement, peut-être dû à des allergies ou à un rhume. Il était aux confins du sommeil quand une frayeur s'emparait de lui. il se réveillait en hurlant, un hurlement venu des tréfonds du corps, tout en gorge cassée et estomac creux, et il me fallait un bon bout de temps pour me rendre compte que moi aussi j'avais hurlé. Si manman était à la maison, elle nous réconfortait. Elle s'allongeait à côté de nous, et la chaleur de son corps repoussait la peur. Nous restions longtemps allongés, tous les trois éveillés sans bouger, à regarder le vent chasser les fantôme dans les rideaux, et les voitures sur l'avenue projeter des mouvements de lumière sur les murs et le plafond.
Sans jamais parler. A écouter les choses.
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"Nous étions des ratés et des petits magouilleurs de quartier. Nous étions les enfants du personnel de service, sans avenir. Aucun de nous n'était ce que nos parents voulaient que nous soyons. Nous n'étions pas ce que tous les autres adultes voulaient que nous soyons. Nous étions des riens du tout, ou peut-être, d'une certaine façon, une ville entière."
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Nous étions des ratés et des petits magouilleurs de quartier. Nous étions les enfants du personnel de service, sans avenir. Aucun de nous n'était ce que nos parents voulaient que nous soyons. Nous n'étions pas ce que tous les autres adultes voulaient que nous soyons. Nous étions des rien du tout, ou peut-être, d'une certaine façon, une ville entière.
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Vidéo de David Chariandy
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