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Critique de Tachan


Totalement charmée et embarquée par l'univers de gunpowder imaginé par Emmanuel dans cette revisite fictive de l'Amérique coloniale qu'on connaît, je ne pouvais en rester là. Sachant que l'auteur, dans le même état d'esprit que moi, avait donné non pas une suite mais une nouvelle aventure pour déployer cet univers, je me devais d'y retourner. Et j'ai appris entre temps qu'un troisième roman arrivait à la fin de ce premier semestre, je suis joie !

Je peux maintenant dire et confirmer qu'Emmanuel est vraiment doué pour nous embarquer dans des histoires qui peuvent sembler classiques mais qui se révèlent toujours surprenantes au final dans le détail de leur déroulé avec des figures puissantes et une émotion qui nous saisit pour ne plus nous lâcher. C'était le personnage de Cérès qui m'avait frappée et le destin tragique du Prince Amaru, dans L'Empire du Léopard, c'est Azel, cette fois, chasseur de prime et fils illégitime de la haute noblesse terrienne, qui me happe au point d'éclipser presque les autres personnages.

Car après, L'Empire du Léopard et sa fin assez définitive, l'auteur relance ici son univers dans une nouvelle direction avec une foison d'intrigues et de personnages à suivre cette fois, comparé à la simplicité de son premier roman ici. Il ne reprend que peu de personnages, il faut dire que l'histoire se déroule plus de 20 ans plus tard et rebâtit plutôt quelque chose de neuf sur les cendres de l'ancien, une fort belle idée. J'ai ainsi aimé retrouver ces terres bien connues et en même temps différentes d'autres avec des problèmes similaires et pourtant différents et donc une nouvelle génération de héros.

Le roman se découpe en trois parties qui ont chacune leur vie propre et qui ont laissé un impact différent sur moi. Je suis ainsi longtemps restée sous le choc de la première partie et sa conclusion assommante, ne parvenant que difficilement à suivre la deuxième partie où pourtant tout se met en place, avant que sa conclusion, comme à chaque fin de partie, ne m'embarque dans une folle aventure tragique. Car le thème de ce nouveau roman, peut-être encore plus que le précédent, est clairement les drames de la colonisation et de la marche forcée vers un Empire et une emprise dont certains ne veulent pas et contre laquelle ils vont se rebeller vaille que vaille. Sauf que l'auteur est malin, il brouille les pistes et nous emmène sur trois à quatre trames narratives principales qu'on pense au début déconnectées, ce qui a joué sur mon appréciation d'une plus que les autres et ma difficulté à entrer dans les autres, mais qui vont finir par faire sens et nous surprendre. C'est malin. C'est plus intense et approfondi que dans son premier roman, mais je ne suis pas sûre d'avoir plus aimé sur le moment, car cela m'a un peu perdue.

Il faut dire que l'auteur commence son roman sur les chapeaux de roues avec la présentation d'un héros assez intense, en rupture de plusieurs manières, dont la trajectoire de vie assez dramatique va fasciner de bout en bout, au point d'étouffer presque tous les autres personnages croisés, qui semblent bien fades et presque simples en comparaison. Azel est ce personnage qui m'a emportée et bouleversée. Fils illégitime, il a en plus une relation compliquée à son père, qui l'a eu avec une femme mystérieuse, et qui depuis a épousé une femme à peine plus âgée que lui. Il a également des relations tendues avec ses demi-frères et a choisi la voie de la fuite et de la liberté, mais une forme d'obligation morale, bien malgré lui, va le ramener vers cette famille et son destin va lui éclater à la figure alors qu'il fait tout pour lutter contre. Cette résistance, cette manière de freiner des quatre fers et de pourtant toujours se retrouver entraîné malgré lui et de sombrer, j'ai trouvé ça magnifique, vraiment digne des meilleurs récits mythologiques ! A l'inverse, les retrouvailles avec un Artémis toujours en butte au pouvoir de sa cousine, était assez classique, ce qui lui a fait perdre en charisme, alors que clairement c'est toujours un agitateur hautement intelligent comme je les aime. Seule, l'espionne Zuhaitza, a su lui donner la réplique, avec l'écriture sensible imaginé par l'auteur d'une femme, forcée de prendre le statut d'un homme parce que traditionnellement dans sa tribu quand le fils aîné meurt, c'est la fille qu'on fait devenir « homme » qui le remplace. J'ai trouvé cette idée excellente et j'ai adoré son exploitation dans la relation complexe entre elle et Azel.

En ce qui concerne l'intrigue, elle est multiple et mon appréciation en fut de même. Tantôt totalement embarquée comme au début quand Azel et sa belle-mère tentent d'aider un convoi d'indigène à fuir ce régime oppressif en franchissant les montagnes. Tantôt plus passive, à l'image de l'humeur du héros, quand il part dans son désir de vengeance et se laisse porter par les événements. Tantôt totalement secouée quand à chaque fin de partie, l'auteur accélère le rythme, fait pleuvoir action et révélation et nous livre des scènes folles, parfaitement séquencée et bandante visuellement parlant. J'en ai vu de toutes les couleurs ! Mais la couleur que je retiens, c'est ce gris bleuté qui parcours l'oeuvre et la couverture, un gris de vague à l'âme, de ras-le-bol de ce colonialisme mal pensé, oppressif, pas intégrateur, excluant donc, mais également un bleu d'espoir, d'horizon lointain et d'amitié. Je pense à celle superbe entre Azel et son loup qui m'a tellement rappelé celle de Fitz et Oeil-de-Nuit ❤ Ce fut donc une lecture pleine de beauté et de douleur.

J'ai conscience de ne pas en dire beaucoup sur l'intrigue mais je ne veux vraiment pas en dévoiler plus pour vous laisser les mêmes surprises que moi, pour vous laisser vivre les mêmes riches et belles émotions que moi et affronter leur complexité. Sachez juste que si vous avez aimé L'Empire du Léopard, l'auteur va encore plus loin dans l'exploitation des mécanismes du colonialisme qu'il y ébauche, qu'il poursuit sa fine et légère exploitation d'une mythologie basée sur des fées tout sauf douces et gentilles, et qu'il nous fait plaisir à faire aboutir certaines destinées qu'on avait laissées en suspens. C'est donc un merveilleux tome compagnon qu'il faut lire après celui-ci.

J'avais déjà trouvé en L'Empire du Léopard une fresque des plus complètes pour plonger dans un monde colonial agité. Je trouve en La Piste des Cendres un versant encore plus dramatique et mélancolique où on découvre que même après le drame, certains n'ont toujours rien compris et qu'il faut encore se lever contre eux. Doté d'un personnage à la destinée puissante qui m'a totalement envoûtée, j'ai été un peu aveugle au reste tant sa souffrance et sa douleur m'ont saisie en plein coeur. Ce fut donc plus pour moi un roman dont le héros m'a marquée au fer rouge, qu'un roman où l'histoire m'a emportée. Celle-ci étant assez classique et prévisible dans l'ensemble une fois le ton tragique perçu. Je n'ai cependant pas boudé mon plaisir et j'ai adoré retrouver cette profondeur, cette magie, ce mysticisme et ces drames, dans un univers richement pensé dans plein de détails. Je sais déjà que je serai là et bien là pour le prochain tome compagnon : Souveraine de Coronado.
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