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Critique de si-bemol



Louis Vertumne, un critique littéraire septuagénaire, autant haï que redouté, est brutalement assassiné par un jeune paumé d'une vingtaine d'années, Donovan Dubois, dont, par l'un de ces miracles jubilatoires de la littérature, il prend aussitôt le corps et l'identité.

Que va-t-il advenir de ce vieil homme intelligent et cultivé, mais aigri, méprisant, frustré, passablement dépressif et très seul, qui s'était toujours rêvé écrivain sans jamais oser franchir le pas et dont la vie, à l'instant de son assassinat, était un naufrage ? Comment va-t-il gérer ce bouleversement total, tant psychologique que social, le dénuement et la misère d'une petite frappe, désormais assassin, au lieu du confort matériel, de la reconnaissance sociale et de la notoriété ? Et que va-t-il faire de cette nouvelle jeunesse qui lui est donnée, de ces nouveaux possibles qui s'offrent à lui en lieu et place de ce corps usé et de cette vie d'amertume et de solitude auxquels, par la force des choses, il a dû renoncer ?

Nous avons tous rêvé, un jour ou l'autre, de pouvoir “reprendre nos billes” et tout recommencer, d'avoir une nouvelle chance, une nouvelle vie, tout en conservant le bénéfice de nos expériences et la mémoire de notre vécu. Mais est-ce vraiment une bonne idée ?

Ah ! “si jeunesse savait, si vieillesse pouvait”… Avec le personnage de Louis Vertumne, Georges-Olivier Châteaureynaud expérimente cette hypothèse d'où il ressort, au terme d'une série de péripéties et d'aventures passablement mouvementées (où l'on voit notre héros tenter de se glisser dans la vie et le corps de “l'autre” avec qui il n'a strictement rien en commun et de réaliser dans sa nouvelle existence les rêves avortés de l'ancienne, entre exaltation et pulsions suicidaires, jusqu'à un dénouement assez inattendu), d'où il ressort, donc, que quelles que soient les circonstances, on ne change pas vraiment et que lorsqu'on est fondamentalement médiocre, intellectuellement stérile et foncièrement méprisant… on le reste !

L'écriture est vive, alerte, nerveuse, le roman se lit d'une traite, et j'ai trouvé crédible, bien cerné et attachant, en tant que personnage, cet homme par ailleurs totalement antipathique, enfermé comme dans un carcan dans sa morgue, son égoïsme et son mépris universel. Il n'est d'ailleurs pas impossible que Georges-Olivier Châteaureynaud ait saisi au passage, avec ce personnage de critique arrogant qu'il met habilement au défi de concrétiser ses velléités d'écriture, l'occasion d'égratigner quelque peu l'archétype du critique littéraire, stérile autant qu'imbu de lui-même, enclin à se consoler de sa propre impuissance en détruisant d'un trait de plume le travail de ceux qui prennent le risque de l'écriture. Une douce vengeance, peut-être, d'écrivain…

Une bonne idée de départ, un rythme soutenu, un très beau style (il y a dans ce livre des phrases si belles que je m'y suis attardée, les relisant plusieurs fois pour mieux en savourer la construction et la musique), et au final un très bon roman qui est aussi une réflexion sur l'écriture et le travail du romancier.
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