Viens Cécilia, partons

Fernande nous servait de mère, nous aimions sa présence.
A la libération, lors de mes sept ans, elle nous avait quittés pour suivre un soldat américain qui rentrait aux USA après sa participation à la guerre contre les Allemands. J'avais très mal vécu son départ, et elle, triste que l'on se quitte pour toujours, près de la porte noire en bas, à côté du robinet du jardin, elle nous avait dit : 
– Moi je m'en vais, mais vous... vous restez ici mes pauvres enfants.
Oui, nous étions ses enfants. J’étais ton enfant, Fernande. Nanou et moi la regardions, le cœur serré. Je ne sais plus si j'ai crié ou enfoui ma tête dans ses jupes comme je faisais parfois lorsque très petit j'avais peur, ou si je suis resté là avec des cris muets dans la tête, l'envie de la frapper. Je crois que je comprenais ce qu'elle voulait dire par « Vous restez ici mes pauvres enfants... ». Père n'était pas chez lui, il n’avait ni maison ni jardin, et c’était la Reine, l’Impératrice, qui commandait et dirigeait tout.
Mais nous, « ses enfants », elle nous laissait ? Je ne voulais plus me réfugier entre ses jambes ni l'embrasser, ni rien. Elle nous abandonnait. Et maintenant, Maman abandonnait notre Petite-Soeur aux mains de la Tante.