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Citations sur Viens Cécilia, partons (11)

– Si Dieu a une Maman, alors elle est née avant Lui ! Avant Dieu? Et le Royaume des Cieux qu’est-ce que c’est ?
A la maison mes questions ennuient et embarrassent tout le monde, je dois penser aux métaphores mais je n’y arrive pas. Le Royaume dont parle le Christ, il est où, quand est-ce que l’on y entre ? Ma mère prend son missel.
– Ecoute. Je lis. Le christ dit : « Vous me demandez: mais ce royaume, il viendra quand ? On ne peut pas le saisir, on ne peut pas dire : le voici ! Le voilà ! Il est parmi vous. Il est en vous. Pour y entrer, il faut passer par la porte étroite. »
 Ma mère me regarde avec intensité.
– Le Royaume est en toi. Mais pour y entrer... il faut passer par la porte étroite !

Ces phrases illuminent tant son regard, ses yeux brillent d’une telle lumière surnaturelle, que la voir ainsi me secoue au plus profond de mon être. Je n’oublierai jamais ces paroles : pour entrer dans le Royaume qui est en moi, il faut que je passe par une porte étroite… Le Royaume qui est en moi… Mais qu’est-ce qu’Il a voulu dire Jésus ? Il y aurait un Royaume en moi ? À l’intérieur ? Dans mon cœur ? Pour y entrer veut dire quoi ? Le connaître ? Connaître mon propre cœur ? C’est impossible. Jamais je ne pourrai connaître ce qu’il y a en moi. Parce que je suis fou. Je fais des choses que je ne comprends pas. Et des fois j’ai envie de tuer !
Ma mère m’a demandé de lui promettre de ne jamais oublier ces phrases. J’ai promis.
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– On ne voit plus rien. Moi j’ai peur. Si le train arrive ?
– Il n’est pas seize heure.
– S’il est en avance, ou si on s’est trompé ? S'il y a un deuxième train ? On peut pas savoir. J’y vais pas.
Elle fait demi tour. Je continue seul, angoissé. Le noir a tout envahi. Je ne vois ni mes mains, ni mes pieds, ni les rails. Seule tâche lumineuse, la petite lueur blanche là bas, au fond. Je tâte de mes mains les pierres de la paroi que je ne vois plus. S'il y a un deuxième train ? On peut pas savoir… Qui va surgir ! Je suis paralysé. Je ne bouge pas. Je me retourne pour voir la lueur de l'entrée qui est devenue aussi petite que celle du fond. Je reste là sans bouger, à regarder dans le noir le disque vide de la petite lumière blanche.
J’ai rebroussé chemin,
Assise dans l'herbe, elle a levé la tête, ses yeux bleus clairs illuminés.
– Tu y est arrivé ? Tu as traversé ?
– Non.
– Ah !
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Le temps du battage, les conflits, les haines des uns et des autres, s'oublient un peu, s'adoucissent ; une unité, peut-être factice, peut-être seulement de quelques semaines, une unité se refait, on rit, on joue à la lyonnaise, on boit ensemble, on écoute les plaintes et les histoires drôles, on reste nombreux le soir sur la grande place, près de la machine, dans une sorte de fête, la fin des moissons, blé, orge et seigle sauvés, les grains au sec dans des sacs, on pourra faire de la farine et du bon pain, on en aura pour tout l'hiver et le printemps, jusqu'à la moisson prochaine, même s'il gèle fort cet hiver qui va si vite venir, même s'il neige, on a bien travaillé, tous. C'est aussi ça, le Monde d'Henry. Une ancienne communauté qui se rassemble dans le travail. Travail pour se nourrir et nourrir les autres.
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– Tu vis là ? Ici ? Mais ce n'est pas possible ! Qu'est-ce qu'il se passe, Papa ?

C'est la misère ici, mais grand-père s'en fout. Il n'a pas d'argent, des prêtres lui prêtent ce local, il est sacristain. Pas trouvé de travail malgré son énergie, alors il mange à une soupe populaire, parfois avec les prêtres. Pas de retraite. Les vieux paysans meurent en 1949 sans avoir de retraite, on ne sait pas pourquoi. Il ne veut plus jamais être paysan sans terre, même s'il est encore très vigoureux à 65 ans. Mon père est au bord des larmes je le sens; Nanou lui a pris la main, alors que Joachim caresse nos deux têtes en disant en français. 
– Je suis content de vous voir, je suis tellement content de vous voir enfin après toutes ces années... Mais où est la Petite ? Tu m'as écrit, Piérou, que tu avais aussi une Petite dernière qui a deux ou trois ans ! Tu ne l'as pas amenée ?
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Père se rappelait bien du chemin pour venir jusqu'à ce champ, heureusement. A travers toute cette multitude de sentiers étroits entourés de murets de pierres sèches comment s'y retrouver ? Une heure de marche environ.
Maman, Nanou et moi regardions Henry, Maria et Emma travailler sans un mot. Ma sœur et moi restions muets, les bras ballants. C'était ça la moisson ? Les blés dorés ? La joie ? Courir, s'ébattre dans les champs ? Comme dans le livre que Père m'avait offert pour mes six ans ?
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Je pense à cette grand-mère, courbée sur ce linge qu'elle lave dans l'eau froide du Barbou, sans doute pour des « clients ». Pour quelques sous, pendant que mon autre grand-mère, la Marie-Louise, assise dans son fauteuil de Reine, lit des revues toute la sainte journée, me surveille, commande la bonne basque qui vient le matin faire le ménage et laver la cuisine, commande à ma mère la liste des légumes et des viandes qu'elle devra aller chercher en vélo au Marché face au magasin, pendant que la Voleuse-d'enfant s'occupe de Petite-Chérie, et alors je ne sais plus si je déteste la Vieille ou la Tante ou ma Mère ou mon Père. Malheur ! Malheur à vous ! Je cours dans le village, je cours vers la maison de Louis.
**
Oui, Maman ne savait pas biner les patates, ni traire, ni planter une salade, mais ce n'était pas sa faute, Emma était trop dure. Mais elle aurait pu apprendre à faire une bonne soupe au chou bien épaisse et chaude avec du lard, comme disait Papa, une soupe qui vous calmait de la fatigue et du désespoir, après on mange un œuf à la coque, ou du fromage avec un peu de vin.
– Elle ne connaît rien aux animaux…
– Elle a peur des chiens…
– Et des vaches...
Oui, elle ne savait rien de la vie, de l'entraide, des haines, des amitiés de ceux-de-la-Terre. Elle n’était pas la seule. Deux Mondes se jugeaient, se confrontaient.
Nous étions tristes, ils condamnaient notre mère.
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Louis s'est levé, a fouillé dans sa besace, m'a tendu un beau couteau pliable, à la belle lame courbe.
– Voilà, fiston ! Plie le et garde le toujours dans ta poche. Ton couteau et de la ficelle, toujours, et tu te sortiras de beaucoup de situations.
Louis et Piérou se tapent sur les cuisses en s'esclaffant et me parlent dans la langue étrangère qu'ils manient si bien. Ils me disent qu'en patois c'est beaucoup plus drôle qu'en français, les mots et les tournures sont beaucoup plus colorés ! Et drôles, mon fils.
Nanou ne veut pas manger - comme Maman -, le chou ça sent. Elles se sont rattrapées sur les fromages et les tartelettes. Moi j'ai tellement bâfré que je me suis à moitié endormi, mal à l'aise, le rouge ne passe pas, ça me tourne la tête. Heureusement l'eau est délicieuse, légère, légère…
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Je finis par me rappeler que Père n'était pas revenu voir sa mère et son frère depuis l'avant-guerre, et les deux frères écrivent peu. Grand mère? Je n'ai jamais vu de lettre d'elle.
Louis vit dans ces deux petites pièces avec sa mère Emma depuis 1945, retour de prisonnier de guerre au fond de la Prusse. Menuisier, ça lui a peut-être sauvé la vie, les nazis avaient besoin de bons menuisiers. Durant ses dernières années de prisonnier il leur fabriquait des cercueils ! Ah, les cercueils, des centaines ! Il a perdu la moitié de son pouce gauche et le bout des phalanges de deux autres doigts, coupés par une machine, mais il se débrouille très bien. Nanou caresse ses phalanges coupées.
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La Reine me demande d’aller chercher les fromages à la cave, ce que je fais aussitôt en courant, j’en ai assez d’être assis, j’ai des épines dans la culotte comme dit Maman. Dans la fraîcheur de la cave je regarde près du compteur qui bourdonne doucement les dernières bouteilles de vin cachetées à la cire, couvertes de poussière qu’avait sélectionnées mon grand-père disparu. Je choisis plusieurs fromages dans le petit garde manger à claire-voie qui se balance au bout d’un fil de fer, les place sur une assiette, remonte sans oublier de regarder si l’étrange graffiti gravé dans le plâtre n’a pas été effacé. Une étoile filante avec écrit un nom ou un prénom illisible, peut-être celui d’un enfant qui aurait vécu ici avant nous.
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Je me sens nerveux, presque accusé. Je jette du maïs aux poules, elles se précipitent. La poule blanche me regarde de son œil noir. Je l’attrape. Qu’est-ce que t’as à me regarder comme ça ? L’autre jour lorsque j’ai vu qu’elle était en train de pondre je lui ai hurlé dessus pour qu’elle rate, que son œuf casse, ne donne pas de petit. Je la bloque contre moi, la sort du poulailler, lui serre le cou. Elle a du mal à respirer, ouvre et ferme son bec. Je serre. Sa crête rouge verse sur le côté, elle bat des ailes furieusement. Je m’assieds dans l’herbe. Elle suffoque. Je vais te tuer ! Tout en serrant son cou j’en caresse les plumes blanches et douces, y plonge mon nez. Quelle douceur ! Je serre. Ses pattes me griffent. Sa crête devient violette. Tu vas mourir ! Je me lève, épuisé, la jette dans le poulailler. Elle s’enfuit.
Ce n’est pas la première fois que je fais ça.
Je m’assied, exténué, dans l’herbe, en gémissant. Je ne voulais plus le faire. Encore une fois j’ai succombé.
Personne ne m’a vu. Personne ne saura. Ce désir d’étrangler qui me torture. Personne ne saura.
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