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Critique de HundredDreams


« Tous nos rêves ne se manifestent pas avec la même force. Les plus marquants se révèlent souvent aux portes du jour, et bouleversent l'âme au point qu'il semble vital de les partager. Celui que fit l'enfant était de cette nature. Agréable, solaire, il le déposa aux marges du réveil en lui laissant une impression durable d'intense bonheur. »

Voici comment débute ce très beau roman de Christian Chavassieux à la frontière du rêve et du spiritisme, de l'intime et de l'introspection.
Ce récit se situe dans un monde différent mais également très proche du notre, un monde dans lequel je n'ai eu aucun mal à me projeter. Classé dans la Fantasy, je lui trouve une dimension plus proche du conte, de la quête identitaire ou du voyage initiatique.

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Lorsque Malou, un petit garçon âgé de sept ans, se confie innocemment à ses parents sur un rêve à la fois étrange et merveilleux qu'il vient de vivre, il est loin d'imaginer l'importance que cela revêt pour les adultes. Les parents, saisis par les mots de l'enfant, par la magie du songe, pressentent qu'il pourrait être l'élu, le messager des esprits, l'intercesseur que tous les villageois de Paleval attendent depuis toujours.
Présenté aux élus du village, il est décidé qu'un des anciens, le vieux Foladj, accompagnera le jeune garçon jusqu'aux portes de Beniata où siège le Conseil des Conseils, seul habilité à confirmer, ou pas, sa qualité de reliant.

« Foladj avait été choisi pour protéger et guider le petit, car il était le seul, au cours de sa vie aventureuse, à s'être rendu au Berceau, le seul à avoir parcouru le continent, à parler plusieurs langues. Il avait même, disait-on, navigué sur l'océan. »

C'est un périple de plusieurs mois qui attend le vieil homme affaibli par l'âge et l'enfant si jeune, le début d'un voyage, au sens propre comme au sens figuré.
Au cours de cette longue et difficile traversée, j'ai eu l'impression d'être au coeur de l'histoire, m'émerveillant devant ces paysages inconnus et enchanteurs que je découvrais en même temps que l'enfant. Avec eux, j'ai parcouru de grandes distances, approché une flore et une faune surprenante, navigué sur le fleuve des fleuves, fait des rencontres marquantes.

Et ce voyage éprouvant alternant joies, émerveillements, peurs, souffrances et chagrins devient un dépassement de soi, un cheminement dans l'intimité de la pensée, une ouverture de soi en même temps qu'un cheminement de l'esprit vers les autres.

« Malou se nourrissait de la constante bonne humeur de son guide, de son attention et de sa gentillesse jamais démenties. »

J'ai aimé les moments d'échanges et d'apprentissage, de confiance et de respect mutuel, où chaque soir, le camp monté, Foladj relatait leur journée dans un petit carnet, inscrivant les paroles de l'enfant, ce qu'il avait retenu de cette journée interminable et fatigante, mais riche d'enseignements.
Des moments doux et profonds.

« Les mots de l'enfant et les pensées du vieux élevaient sous ces deux clartés les sortilèges de l'amitié. »

Des moments où l'enfant apprend de l'adulte.

« Qu'as-tu appris aujourd'hui ? …
« J'ai appris qu'on pouvait être fier de la sagesse d'un autre que soi.
— Qu'en déduis-tu ?
— Que… la sagesse de l'un rejaillit sur la confiance de l'autre. »

Des moments où inconsciemment, la pertinence, la clairvoyance et la bienveillance de l'enfant pénètrent les pensées du vieillard, apaisent de manière inattendue sa souffrance intérieure.

« Lui, le guide, le protecteur, était passé sous la protection de son petit maître. »

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Malou et Foladj sont des personnages extrêmement attachants. Les liens qui se tissent entre eux sont particulièrement émouvants et tendres. On sent que Christian Chavassieux a pris plaisir à leur donner vie, s'attachant à développer leur psychologie et nous les rendre proches.

Le petit garçon, par son empathie, sa candeur, ses questionnements permanents pour essayer de comprendre le monde qui l'entoure, fait preuve d'une clarté étonnante pour son âge. Tandis qu'il émane de lui une pureté et une franchise toute enfantine, il ouvre de nouveaux horizons à Foladj qui cherche à racheter ses fautes passées par ce voyage qui n'est plus de son âge.

Ainsi, le vieillard se révèle plus complexe qu'il n'y paraît au départ, l'auteur ayant pris soin de travailler sa personnalité avec une palette de couleurs tantôt lumineuses, tantôt dans des nuances plus sombres et tristes, ces teintes se fondant souvent les unes dans les autres.
A la lumière de ses secrets et de ses blessures non refermées, prédomine malgré tout un sentiment d'affection pour le vieux sage.

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L'écriture poétique travaillée avec finesse et perspicacité, la fluidité du style s'apparient parfaitement pour envelopper le lecteur d'une ambiance paisible, subtilement mélancolique. le rythme est en parfaite harmonie avec la lenteur et la longueur du voyage.
Il flotte ainsi un parfum de douceur et d'onirisme malgré la violence passée qui s'esquisse peu à peu à travers les paroles pétries d'une douce sagesse, de savoir et d'expérience de Foladj. Petit à petit, le présent part à la rencontre des temps anciens lorsque vivait encore un autre peuple, celui des Ghioms.

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« Je suis le rêve des autres » se veut une réflexion sur la tolérance, le respect et l'acceptation de la différence de l'Autre, sur les liens intergénérationnels et l'importance de la transmission, sur les rêves et le destin.

« Qu'as-tu appris aujourd'hui ? Que l'on n'est maître que de ses propres sentiments, qu'ils se limitent à notre personne et qu'il faut compter avec l'opinion des autres. »

En explorant la prise de conscience des actes et le sentiment de culpabilité, le repentir et la possibilité de rédemption, ce roman ouvre également une thématique autour des relations entre les personnages et comment leurs choix passés et présents affectent le restant de leur vie.

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Pour conclure, ce récit hors du temps, est un voyage à la rencontre de l'autre et de soi. Il m'a conquise par son écriture onirique, ses beaux personnages, son atmosphère mystérieuse, des décors grandioses, mais aussi par cette aventure qui s'achève de manière inattendue et touchante.
J'en ai aimé chaque page, chaque phrase.
C'est beau et lumineux.

« Qu'as-tu appris aujourd'hui ?
Que l'on peut vouloir être plus que soi-même. Et c'est cela qui oriente et prescrit. C'est ce désir qui fait d'un enfant qui rêve, une promesse pour demain… »

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Je finis mon billet en remerciant Bernard (@Berni_29) qui m'a invitée à découvrir ce roman subtil et plus profond qu'il n'y paraît au premier abord, et Chrystèle (@HordeDuContrevent) notre dénicheuse de pépites.
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