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Critique de afriqueah



Marie marche, elle court, pour rejoindre l'amour de sa vie, une balle l'atteint dans le dos. Pourtant, « le ciel marivaude, rieur » et tout lui sourit, son amour pour Steph, elle va lui dire Je suis venue ! je t'aime ! Elle ne veut pas tomber, elle ne peut pas se le permettre, elle veut arriver au moins qu'au pont, sur lequel il l'attend. Attente comme un ultimatum, de plus.
Avec des mots choisis, descriptifs, analysant chaque pas que la jeune fille fait pour ne pas se laisser aller, pour continuer, pour ne pas mourir, Andrée Chedid écrit.
Le pays, imaginaire mais surtout exemplaire des endroits de guerre, est ravagé par des combats dont, à part les « nationalistes » nommés, personne ne connaît le pourquoi. On tue, point.
C'est une lente agonie, de la ville bombardée et réduite en ruines, symbole de toutes les villes ravagées. « Depuis l'aube des temps, les violences ne cessent de se chevaucher, la terreur de régner, l'horreur de recouvrir l'horreur. Visages en sang, visages exsangues. Hémorragies d'hommes, de femmes, d'enfants. Qu'importe le lieu ! Partout l'humanité est en cause, et ce sombre cortège n'a pas de fin. Dans chaque corps torturé tous les corps gémissent. Poussés par des forces aveugles dans le même abime, les vivants sombrent avant leur terme. Partout ».

L'absurdité, l'injustice de la guerre , qu'Andrée Chedid a connue , est manifeste : Marie court vers son destin, un snipper sans but, juste pour faire éclater son arme, comme si elle était un lapin, ou pire, comme si son existence importait peu, l'atteint. Bang. Bang.
Interviennent Anton le médecin âgé, qui va lui dire jusqu'à la fin : tout va bien, tu vas t'en sortir.
Anya, sa femme, pas toute jeune non plus, qui court comme elle peut jusqu'à Steph.
Il y a comme une correspondance entre ces deux couples, se déchirant et se retrouvant pour s'aimer de nouveau. Prêts à accepter les orages et les colères.
Steph, l'amoureux, demandant si l'histoire peut continuer.
Et Gorgio, qui vit dans les restes des édifices détruits, qui avait offert une rose à sa mère et s'était fait chasser par le père intolérant, dogmatique et rempli de haine. Vas.t-en, pour toujours.
Tu n'es rien. Tu ne seras jamais personne.
Alors, il lit les livres de l'appartement qu'il squatte, « il s'attache à ce grenier de pensées de pensées comme à une bouée de sauvetage…. Vivre est gloire » lit il dans Rilke.
Et il tue. Non pas pour une cause, pas des ennemis, il ne sait pas pourquoi il tue. Il n'a aucune conscience du prix de la vie. La paix lui apporterait la fin de son pouvoir exorbitant, son privilège de donner la mort. Mort du père qui l'a banni. Et pourtant, vivre est gloire, se répète-il.
Le principal personnage de ce court récit est à l'évidence la guerre, les ruines d'une ville, la fuite des habitants vers un meilleur –on-ne –sait-pas où. Avec emphase, lyrisme, mots qui entourent une réalité en essayant de l'approcher au mieux, Andrée Chedid place l'agonie de Marie, avec ses combats, son désespoir et l'acceptation de la mort, comme ponctuant et illustrant les ravages de la guerre, toutes les guerres.
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