Citations sur Kyan Rogh, tome 2 : Aux rivages des ombres (10)
Vu les symptômes, je ne puis concevoir que ce soit physique, mais je n'ai aucune preuve pour étayer d'autres soupçons.
Le plus dur a été d'examiner les dépouilles dans les cellules. C'était répugnant. Je suis Mire, j'ai pratiqué plus d'une fois sur le corps humain et pourtant, il n'y a pas de mot pour décrire les restes d'un homme qui s'est donné aussi violemment la mort. Tout ce sang et ces morceaux. J'en ai fait des cauchemars pendant plusieurs nuits.
Ils se faufilèrent à travers ces piliers hostiles, aux troncs immobiles et aux filaments plus futiles. Ils débouchèrent dans une petite clairière où de petits cratères rosés émergeaient de la terre, ressemblant à s'y méprendre à des éponges de mer. Par de légers battements parfaitement réguliers, dans un sifflement tel celui d'un dernier, elles exhalaient les brumes enivrantes. Elles étaient les poumons de ces lieux. Une atmosphère lugubre et étouffante régnait. La sérénité n'avait d'égal que la crainte que quelque chose surgît à tout instant.
Une fois il a conversé avec une mouche qui s'était posée sur sa main. Il a tenu ainsi un long moment, lui posant des questions sur le sens de son existence, et on eut dit qu'elle lui répondait, tant les paroles d'Hernist étaient sensées.
Il lui a d'ailleurs dit quelque chose qui m'a fortement intrigué : " Qui est persuadé d'être éveillé en réalité sommeille à jamais. Seul celui qui a conscience de ses brumes se réveillera."
_ Je n'ai pu récupérer que nos armes, dit Argas. Votre arc est intact, Emiaelle. Quand à notre nourriture, comment dire, elle n'est plus là.
Il fallut retenir Korodan de partir à l'assaut.
_ Il est hors de question que je parte d'ici sans mon jambon ! C'est un jambon de Bayostano, une pure merveille de salaison. Il en sort à peine quelques centaines par an. Je ne puis me résigner à laisser toucher un tel met par leurs sales gueules puantes. Je le retrouverai, par Bedoch, Dieu des bons vivants.
La montagne trembla à cinquante-et-une reprises, menaçant de s'écrouler, et les cieux en furent ébranlés autant de fois car les Guriogals en tant que protecteurs, s'étaient liés au Kyan Veil. Chacune de leur mort asséchait un de ses ruisseaux et fissurait infailliblement le cœur du monde, le Hortaria.
_ Beauchancourt, la ville des délices et des immondices, dit Gaalien en entendant cela. Tout n'est qu'ambivalence. La lumière créée l'ombre à sa volonté, mais la lumière ne se répand qu'à la surface, jamais dans les cavernes.
Apprendre à se battre en cet âpre monde était chose indispensable, mais cela accroissait l'agressivité, et l'agressivité menait à la sauvagerie, à la désolation de l'âme. Soran se devait donc de l'éduquer avec parcimonie, à se défendre et à n'attaquer que lorsque cela s'avèrerait nécessaire.
Noyl observa tout ceci, impassiblement, et son cœur se serra un peu plus. Sa première fois avait été la découverte macabre de (spoiler). En son âme et conscience, il savait que ces évènements n'étaient qu'un prélude. En revanche, il ne savait pas encore s'il allait pouvoir supporter tout ce qui se préparait.
Gaalien ferma les yeux. Il les rouvrit à des centaines de lieues de là. Lui ne fit que fléchir, tandis que tous les autres s'effondrèrent, comme accablés par le poids d'un rocher en pleine course à dos de dragon. On sua, on suffoqua, on dégorgea, et on ne put se relever qu'après un long moment.
Tout était fin prêt, pour ainsi dire pas grand-chose, quelques ridicules chevaux de frise, de frêles pieux et sa hachette totalement usée par les tailles. Algardh allait à la mort, mais par Hork, Dieu de la Guerre, quelle mort ! Lui qui n’avait jamais combattu, qui s’imaginait mourir d’épuisement à la récolte des blés ou de sénilité, allait périr arme à la main, pour sauver ceux qu’il avait de plus cher.