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Critique de SZRAMOWO


L'inversion du Gulf Stream, un titre incongru dont on comprend la signification une fois entré dans le roman.
Cette inversion est mentionnée pour la première fois à la page 102 du livre.
Le comportement des deux personnages, Aurore et Virgil, agit sur leur tentative de renouer une relation vieille de dix ans, comme le réchauffement climatique qui en faisant fondre la glace des pôles, produit «un refroidissement persistant des zones continentales de part et d'autres de l'Atlantique.»
Le livre de Fabrice Chêne pose des questions que nous nous sommes tous posées à un moment ou un autre de notre existence et qui, chez certaines personnes, apparaissent comme une obsession :
Aimons nous toujours les personnes que nous avons aimées autrefois et que la vie a éloignées ? Et si jamais, par aventure, nous nous rencontrions à nouveau, que se passerait-il ?
Virgil s'interroge page 35 sur la nature de sa relation nouvelle avec Aurore «Et elle, était-elle autre chose pour lui qu'une ancienne maîtresse plus du tout désirable ?»
Mais en utilisant les mots, «autre chose» et «ancienne maîtresse», Virgil enferme Aurore dans un rôle d'utilité amoureuse, ne la considère pas comme un être humain.
L'attitude de Virgil ressort de l'expérimentation amoureuse. Il profite d'une circonstance pour juger de son pouvoir de séduction sur Aurore. Celle-ci a été sa compagne il y a dix ans. Elle était alors étudiante. Leur relation s'est délitée peu à peu, jusqu'à ce qu'Aurore choisisse de partir aux USA, à New-York avec Nathan dont elle a eu un enfant, Etan. C'est alors que Nathan quitte Aurore, que Virgil l'apprenant par Marie-Aude, une amie commune, prétexte un rendez-vous avec l'attaché culturel de l'Ambassade de France à New-York sensé faciliter la traduction de son roman aux USA, pour revoir Aurore.
Cette brève rencontre de trois jours est l'occasion pour Virgil, d'une déambulation dans les rues de la ville, qu'il découvre, où les lieux, les personnes, le ciel, le bruit, le ramènent à Aurore.
Ce tourisme amoureux, ce romantisme urbain fait vibrer Virgil, qui cherche une réminiscence d'Aurore dans la ville qui le lui refuse :
«A cette minute, une seule chose était claire : depuis qu'il avait quitté l'appartement d'Aurore, il ne cessait de s'éloigner de son point de départ.»
La ville lui offre du concret, du brut :
«Dans un souci de préservation du patrimoine, on avait tenu à conserver les rails d'acier originels pour les associer au nouveau décor.»
Mais lui ramène la ville à Aurore :
«La devanture d'un perruquier attira son attention. Les perruques s'y ordonnaient de manière à décliner (...) toutes les teintes de cheveux féminins. (...) Virgil cherchait déjà quelle nuance se rapprochait le plus de la chevelure d'Aurore.»
De son côté, Aurore, coincée par le travail, devant son écran d'ordinateur, cherche à se remémorer le passé. Son installation chez Virgil dans le 13ème à Paris, alors qu'elle était étudiante en Master, l'opposition de ses parents à ce projet. Son appel à Virgil lorsqu'elle s'est retrouvée seule à New-York. Pourquoi, se demande-t-elle ?
«Dans l'attente d'un signe de Virgil, elle en venait à regretter leurs retrouvailles précipitées, maladroites.»
Virgil joue avec Aurore. La soumettant à un harcèlement passif. Un jeu amoureux mortifère. Il est venu pour la voir, mais n'osant le lui avouer, choisit de quitter l'appartement pour déambuler dans la ville au lieu d'aborder les raisons de leurs retrouvailles.
Virgil fuit. Dans la New York Public Library, il pense à la jeune fille bibliothécaire à Orléans qu'il rêve de séduire.
Aurore, elle, culpabilise devant son écran :
«Avec le recul, elle parvenait à mieux comprendre ce que Virgil avait pu ressentir quand, du jour au lendemain elle l'avait privé de sa présence.»
Comme les deux personnages, le récit est toujours entre deux eaux. S'attachant à décrire par le détail ce qui leur permet de fuir leur possible amour ou ce qui leur permettrait de le faire revivre. Ce dialogue à distance, montre ce qui les sépare. le passé tout simplement et la façon dont ils pourraient le faire revivre dans cette ville démesurée.

Une lecture pas toujours simple. Comparable à la déambulation de Virgil dans New-York.
Merci à Gallimard et Babelio d'avoir permis cette découverte.
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