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Critique de Yaena


Venez avec moi je vous emmène explorer les bas fonds de Londres du temps de la reine Victoria. Vous y retrouverez ce Londres des livres de Jack LONDON à qui je n'ai pas arrêté de penser au fil des pages. Ce livre est d'une richesse folle. Entre le documentaire et le roman c'est une source incroyables d'information sur le Londres de Jack l'éventreur. Quand la grande Histoire s'encanaille elle devient passionnante, oubliez les dates apprises par coeur et tous les dirigeants ennuyeux à mourir qui nous parlent de politique de vielles batailles et des grands de ce monde. Venez fréquenter la lie de la société dans les bas quartier ou la misère crasse côtoie la filouterie la plus astucieuse. Je vous emmène faire une plongée dans le Londres de Dickens où les mots lupanar, arsouille, entourlouper, valetaille, sergot, réticule, assommoir, emberlificoter, détroussage, hue cocotte et j'en passe prennent tout leur sens !

Londres sous la Reine Victoria, principalement les années 1850 et suivantes. Pour vous donner une idée du peu de cas fait des pauvres je vais vous parler de la poor law. L'objectif est simple : pousser les gens à accepter n'importe quel travail plutôt que de devoir accepter la charité des hospices. le prolétariat industriel est en expansion et l'Angleterre bien décidée à exploiter cette main d'oeuvre à moindre coût. Donc au lieu de rendre le travail attractif on rend les autres options dignes de l'Enfer de Dante. Vous ne me croyez pas ? Allez donc voir ce que sont les moulins de disciplines ou le supplice de l'Ecureuil. Bref se retrouver à l'hospice c'est être quasi sur de crever de faim et de maladie. La seule option qui soit pire c'est la prison.

Loin de pousser la population à travailler servilement pour des clopinettes ce système fait les beaux jours de la pègre.
Parmi les travailleurs on trouve les Navvies : les constructeurs de chemins de fer qui suivent le rail pour travailler et qui constituent une véritable armée d'occupation craint par la population. Les Costers sont des vendeurs de rue qui ont leur propre argot et qui sont de véritables arnaqueurs. Les ramoneurs qui exploitent les enfants, en font de petits voleurs très doués et agile et à l'occasion renseignent les petites frappes sur les maisons à cambrioler.
Beaucoup de travailleurs sont nomades et vont là où le travail les mène. On trouve des irlandais, jetés sur les routes suite à la Grande Famine, des allemands, des saltimbanques en tous genre, des joueurs de barbarie souvent italiens, des artistes de cirque, de théâtre, des forains … tout ce petit monde qui vivote d'escroqueries à ses heures perdues : écoulement de fausses monnaies, arnaques en tous genre, paris…
Voilà pour les honnêtes travailleurs.

Passons maintenant aux professionnels du crime avec les célèbres pickpocket. Vivre du vol à la tire nécessite de l'agilité et un entraînement intensif qui n'est pas dû à tout le monde. Les voleurs sont des sportifs de haut niveau qui s'entraînent dur. Mais finalement voleur ça ne veut pas dire grand-chose… quelques précisions ? Allons y !
Vol à la détourne : voler en cassant une vitre de manière discrète
Palmer : voleur de vêtements de luxe ou de bijoux
Rampsman : voleur qui utilise la ruse et évite la violence pour détrousser ses victimes. Bon ok il arrive qu'il utilise un neddy en dernier recours. C'est une arme contondante destinée à assommer les victimes récalcitrantes (boule de fer dans un drap, barre métallique sur laquelle on a soudé une boule de fer, boule au bout d'un fil dont on se sert comme d'un yoyo…)
Les garotters maîtrisent leurs victimes par strangulation.
Les tooler sont des pickpocket pour dames et les maltooler sévissent dans les omnibus. Les snakeman se glissent dans les maisons et les Kidsman entrainent les enfants à devenir des pickpockets (cf Oliver Twist).
Quant aux cracksmen ce sont des cambrioleurs. Rien à voir avec les pickpocket ! Ils ont tout de même un point commun. Ils ont tous deux besoin d'une receleur. Ce dernier à la double casquette, à la fois honnête commerçant et canaille qui revend des objets volés.

N'oublions pas non plus les filous, truqueurs et arnaqueurs de tous poils. Ecouleurs de fausse monnaie, faussaires, et arnaqueurs professionnels qui montent des arnaques incroyables roulent leur victimes dans la farine lesquelles ont ensuite tellement honte qu'elles n'osent pas porter plainte. Sans compter les truqueurs aux trois gobelets, les dés pipés,...
Certaines arnaques sont dignes d'une intrigue policière de cette chère Agatha ! Chantage, exploitation de la crédulité, du désespoir, … tout y passe ! Et c'est parfois burlesque.

Ce qui m'a fait le plus sourire ce sont les arnaques des mendiants appelés « quémandeurs ». Vous avez tous déjà reçu un mail ou un sms disant que votre pote était dans un pays improbable sans papier et sans argent dépouillé de tout et vite il fallait lui envoyer de l'argent pour le sortir de là ! Et bien vous remplacez le mail par un courrier manuscrit et vous avez la même arnaque du temps de la reine Victoria. Nos filous actuels n'ont rien inventé.

Évidemment nous avons le classique mendiant professionnel et ses fausses blessures, les faux aveugles, les faux épileptiques… et le pire de tout ceux qui exploitent les enfants. Pauvres gamins vendus, prostitués, revendus, obligés à faire la manche pour des adultes qui s'engraissent sur leur dos.

Autre aspect des bas fonds : la pègre sportive ! Et alors là j'en ai découvert des choses. Évidemment on pense tout de suite à la boxe. Comme entrée en matière l'auteur nous parle du combat qui opposa BENDIGO et CAUNT. Tenez vous bien : la boxe se fait à mains nues et l'objectif est de tenir le plus longtemps possible jusqu'à épuisement. Les boxeurs finissent en sang, sourds, aveugles, sur les rotules. Alors seulement leur « entraîneur » jette le chapeau de castor (ancêtre de jeter l'éponge) ! le combat dont il est question a duré...93 rounds!!!!! Mazette ! Des durs à cuire ces boxeurs !
Beaucoup moins reluisant, les combats d'animaux. Là j'avoue je n'ai pas pu tout lire : un taureau contre un ours, des coqs, des chiens, des chiens contre des blaireaux, des rats contre des chiens!L'horreur.
Et puis il y avait aussi le football, les maisons de jeux, les paris, et les matchs de pendaison… oui vous avez bien compris les exécutions des condamnés à mort autour desquelles tout un commerce avait lieu. Un peu glauque tout de même.

Quel historien digne de ce nom parlerai des bas fonds de Londres sans évoquer la prostitution ? C'est à peu près aussi varié que le métier de voleur ! Il y a de tout des femmes de luxe belles, sachant tenir une conversation, très éduquées aux femmes des bas quartiers le visage grêlée, vêtues de haillons. le pire de tout fut de lire que des gamines étaient vendues comme du bétail et mises sur le marché très jeunes. Certaines se sont retrouvées enceintes à 9 ans ! D'autant qu'on attribuait aux vierges la faculté de guérir les maladies vénériennes. Vous imaginez sans peines les conséquences dramatiques d'une telle croyance.
De nombreuses femmes mariées ou non se prostituaient car à l'époque les ouvrières étaient très mal payées et leur salaire ne pouvait leur permettre de vivre. Beaucoup devaient se résoudre à se prostituer pour manger et pour nourrir leurs enfants. Quand ces femmes tombaient enceinte si elles étaient veuves ou célibataire, c'était pire que tout car afin de décourager la bâtardise il avait été décidé que c'était à la mère seule qu'incombait la charge d'élever un enfant illégitime (ben voyons!).
La demande de prostituées était très forte car les relations entre époux étaient très guindées et empreintes de pudibonderie. Les hommes avaient recours aux prostituées pour arrêter de jouer la comédie imposée par les moeurs et laisser tomber le masque. Certaines femmes en venaient ainsi à se faire entretenir par un homme marié et riche.
Il existe par ailleurs de nombreux hommes qui se prostituent.

Gravite autour de la prostitution tous ces métiers que l'on imagine allant de la tenancière de bordel, à la traite des blanches en passant par le trafic de bébés confiée à d'horribles nourrices qui en échange d'argent sont censés s'occuper des enfants de prostituées, censées…

Et à votre avis où peut bien vivre tout ce petit monde ? Gagné ! Dans des gourbis, des cloaques, des lieux insalubres. Je vous donne un exemple dans une pièce de 1m35 de largeur, de 4m85 de longueur et de 1m65 de haut vivent 3 adultes et 1 enfant, dans une pièce de 2m70 sur 2m70 vit un couple et 6 enfants. Et ce ne sont pas les moins bien lotis. Souvent les gens s'entassent sans aucune intimité. Les enfants et les adolescents sont mélangés et font très tôt leurs premières expériences sexuelles. On dort sur des paillasses avec des couvertures infestées de vermines. Et ça c'est pour ceux qui ont de la chance. Par exemple certains dorment « à la corde ». Des cordes sont tirées à hauteur de buste d'un bout à l'autre de la pièce. Les hommes s'installent dessus pour dormir et au matin on décroche les cordes faisant ainsi tomber les dormeurs.

Un voyage dans le temps instructif et surprenant que je ne regrette pas d'avoir fait. J'ai déjà quelques lectures en vue pour prolonger l'aventure !
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