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Critique de ThomasNouvelle


Grégory Chevignon est un « petit nouveau » dans le monde du polar. Ce professeur d'histoire et de lettres dans lycée horticole est à son troisième polar et il semblerait que son roman « Les ténèbres d'Hiram » ait connu plusieurs vies. Il a tout d'abord été publié en 2012 aux éditions Émotions Primitive, puis en 2018 aux éditions Nouvelles Plumes et est paru au format de poche chez Pocket en novembre 2019. C'est d'ailleurs le format poche que je vous présente aujourd'hui.

J'ai un vague souvenir d'avoir vu la couverture des éditions Nouvelles Plumes sur l'un ou l'autre groupe de lecteurs. Au bout du compte, le thriller est passé sous mon radar. C'est sur l'étal d'une librairie que je l'ai découvert. Ambiance vaporeuse, pentacle, oeil de la providence, équerre et compas plus quelques symboles, forcément mon regard a été attiré cette couverture.

En fouinant quelque peu pour préparer cette chronique, la version publiée par l'éditeur Nouvelles Plumes disait de cet ouvrage : « Un roman documenté et passionnant, pour les amateurs de Giacometti et Ravenne ! »
Il ne m'en faut pas de plus pour que je saute sur l'occasion pour savoir si ce roman est à la hauteur ou s'il dégage une véritable identité littéraire ? Analysons tout ça !

Tout commence par un obscur rituel autour d'un personnage nommé Yub'la. On nous décrit le personnage comme un athlète de Dieu. Bodybuildé et tatoué à outrance avec divers symboles religieux. Il s'en suit le kidnapping d'un certain docteur Romain Lazar dans sa villa fortifiée sur les hauteurs de Lyon. Voici la base de ce thriller. Prometteur n'est-il pas ?

Il faudra tout de même dépasser le cap de la cinquantaine de pages pour réellement décoller. Nous avons tout le schéma classique du roman policier français avec le vocable de la police, la terminologie de la rue et de la criminalité. Jusque-là, c'est normal, étant donné que les héros sont policiers du SRPJ de Lyon. Trouver le tempo, ça sera l'un des défis du premier quart de ce thriller. Il doit développer son identité et les coups d'accélération devraient plus diffus et moins soudain. J'ai parfois eu cette impression que pour avoir ce coup d'accélérateur, il fallait atteindre un certain niveau. Un peu comme dans les jeux vidéos où votre personnage doit d'abord accomplir une quête avant d'obtenir un bonus.

Dès que l'on dépasse les fameuses cinquante pages, on découvre tout doucement notre trio de policiers. le héros ou plutôt l'héroïne est une certaine Lisa Guéran. Un vrai pitbull contre l'injustice, une mère-poule bienveillante vis-à-vis de ses subalternes et cas rare dans le polar maçonnique, l'héroïne est une grenouille de bénitier. En général, les protagonistes ne sont pas contre la Franc-maçonnerie ou les Francs-maçons mais au départ, le Capitaine Guéran fait dans l'antimaçonnisme de base en ayant une certaine méfiance vis-à-vis de l'Ordre. En dehors de l'aspect « bonne catholique », elle a tous les arguments de la femme moderne. Engagée, indépendante, libre, on peut lui trouver un grand nombre qualificatifs pour la décrire mais il semble qu'elle ait tendance à avoir le cul entre deux chaises surtout en matière de relation avec la gent masculine.

Tant qu'à continuer à parler des héros, continuons avec les lieutenants Paul Vidal et Lionel Serrino. le premier personnage a une histoire bien à part dans ce thriller. Il me donne l'impression du flic au profil écorché. et notez-bien qu'il fait le fil rouge entre la première et la deuxième partie. le flic entretient une relation avec une prostituée mais chut ! Gardons le suspens. le second est pour moi l'expert informatique ou du moins, je vois un jeune lieutenant de police. Son rôle est certes capital mais il est pour moi le moins développé.

Au cours de la lecture, je me suis demandé où Grégory Chevignon voulait m'emmener. Nous sommes dans un polar maçonnique et l'auteur nous embarque dans plusieurs histoires qui semblent à première vue rien à voir avec le kidnapping des premières pages. Dans un premier temps, j'embarque dans une histoire de proxénétisme et de trafics de stupéfiants dirigée par des criminels albanais. L'une des filles des Albanais entretient une relation avec l'un des lieutenants du SRPJ, jusqu'à ce que tout ça tourne au vinaigre. Avec ces éléments, on peut border un chouette roman policier. Nous avons aussi une histoire autour des origines douteuses du docteur Lazar et sur ses activités lors de la révolution qui a conduit à l'indépendance du Kosovo, mais aussi sur le trafic d'organes à destination de riches occidentaux. Il sera également question de bioéthique et de clonage, mais je ne vais pas en dire plus sur les histoires parallèles et je me suis l'une ou l'autre fois posé la question : « Quel est le rapport avec polar maçonnique ? » Mais bien entendu, on retrouve cette bonne vieille technique qui consiste à regarder dans un coin avant de nous emmener là où il a envie qu'on regarde et au bout du compte tout s'emboîte bien.

Maçonnique or not ? Voilà la liste de mes arguments qui me font dire que ce polar s'inscrit bien dans le genre :

→ Primo, ne connaissant pas la ville de Lyon, je me suis senti un peu perdu dans les descriptions de la ville des gones. Bien entendu, il m'a fallu du temps pour apprivoiser le roman même si je connaissais quelques grands noms comme la Coix-Rousse. Bref, on a droit un chouette tour du Lyon maçonnique, des catacombes et si vous ne connaissez pas, c'est occasion où jamais de vous pencher dessus.

→ Secundo, ce que j'appelle les coups d'accélérateurs, ce sont mes attentes face à l'aspect « polar maçonnique ». Nous avons droit à un étrange jeu de piste dans les rues de Lyon où des doigts sont disposés aux quatre coins de la ville.

→ Tertio, Grégory Chevignon nous montre qu'il a bien potassé son sujet et nous explique que la victime serait un maçon haut gradé. Il serait au 30ème degré du REAA, autrement dit celui du Chevalier Kadosh. Il nous développe toute une théorie sur l'homme régénéré. Quelle ironie quand la victime s'appelle Lazar !

→ Quarto, la lutte à distance avec un groupuscule catholique. Si Lisa Guéran est une « bonne catholique », elle reste néanmoins une policière au service de la République. Si ma chronique vous amène à lire ce roman, vous comprendrez pourquoi elle se retrouve là aussi le cul entre deux chaises. Sur la dernière partie, Guéran et ses hommes vont faire face à des Sédévacantistes qui ont envie de bouffer du Franc-maçon.

En conclusion, Je trouve qu'il y a trop de petites histoires parallèles. Elles ne parasitent pas l'histoire principale mais on peut se dire « Où veut m'emmener l'auteur ? » Si le Capitaine Guéran et ses hommes étaient amenés à revenir sur le devant de la scène, il faudrait peut-être se concentrer uniquement sur l'histoire principale et prendre l'un ou l'autre élément pour pouvoir l'étoffer. Ici, les histoires qui orbitent autour de la principale sont très intéressantes et il y a de quoi broder de très bons romans sans avoir un caractère maçonnique. Un peu comme son héroïne, j'ai eu l'impression que l'auteur voulait nous montrer de quoi il est capable. Il nous livre un agréable polar qui s'inscrit dans la lignée des Giacometti et Ravenne, l'argument de vente tient la route mais en ajoutant une pointe de Franck Thilliez ou d'un autre auteur du même rang. Dernier point, il faudra peut-être bosser sur le rythme mais c'est aussi au lecteur de faire l'effort.

L'identité littéraire passe par là !
Lien : https://litteraturemaconniqu..
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