Une question d'harmonie

Cet aveu toucha Julia en plein coeur. Si elle avait ressenti le besoin de s'éloigner quelques temps, il n'en restait pas moins qu'elle était ravie de se trouver là, où elle avait l'impression de ses sentir utile. Au bout de six mois, elle se sentait enfin à sa place dans ce salon qui lui avait si souvent paru austère et triste.

Parfois, Paul se disait que la vie qu'il menait était trop belle pour être vraie. Certains jours, il était même pris d'angoisse, comme si son existence ne tenait qu'à un fil et menaçait de disparaître au premier faux pas. Et pourquoi avait-il bénéficié de la chance qui avait toujours fait défaut à ses parents ? Qu'avait-il fait pour mériter tout cela ?

Il repartit le coeur lourd, mais l'esprit décidé. Il s''était senti étranger à ce lieu dont il connaissait pourtant les moindres recoins et une partie non négligeable des habitants. Il savait que sa vie était en train de se jouer ailleurs, dans cette grande ville à laquelle il se sentait désormais lié.

- Les moments de grâce ? Qu'est-ce que c'est exactement ?
- C'est difficile à expliquer...Disons qu'ils surgissent quand le chef d'orchestre est bon, quand l'oeuvre est belle et nous transporte, et que tous les musiciens de l'orchestre ont envie de se surpasser et donnent tout ce qu'ils peuvent.

Il avait la sensation que certaines des pages les plus décisives de sa vie étaient en train de s'écrire et que, des choix qu'il allait faire pendant cette période, dépendrait en grande partie son avenir

Après sa première visite à Paul, Julia avait espéré que leurs rapports deviennent rapidement plus cordiaux, voire qu'un début de complicité s'établisse. Las, les dimanches suivants se déroulèrent sur le même registre, à tel point qu'elle finit par avoir la sensation de n'être pour lui qu'une aide ménagère.

Quand elle était chez Paul, elle avait toujours l'impression de se trouver dans un autre monde, complètement coupé de celui qu'elle connaissait et dans lequel elle se sentait bien. Et puis elle était toujours sur la défensive, dans le contrôle permanent de ce qu'elle disait et faisait.

J'ai tout de suite eu la très forte intuition que la musique allait guider ma vie. Et je ne me suis pas trompé ! La preuve : la contrebasse est toujours là à côté de moi, fit-il en pointant l'étui du menton, posé comme d'habitude dans le coin de la pièce. Elle ne m'a jamais laisser tomber, ajouta-t-il, subitement plus mélancolique.

pour pouvoir envisager au mieux sa vie, elle éprouvait le besoin de la voir au travers d'une lignée ; pour y trouver sa place, il lui fallait se situer par rapport à ceux qui l'avaient précédée.

Elle n'avait jamais compris le sens de l'expression : "un ange passe". Pour elle, les silences n'avaient rien de poétique. Ils étaient embarrassants et le signe d'une communication difficile.