AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Sachenka


Le Don est un des principaux fleuves de Russie. Il coule paisiblement vers le sud, vers la mer Noire. Mais ses rives sont tout sauf paisibles. Cette vallée fertile fut jadis un des territoires des Cosaques, des guerriers-paysans farouches. Et, pour raconter ne serait-ce qu'une partie de leur histoire, il ne fallait rien de moins qu'un roman-fleuve. Haha !

Tatarski est le village natal de Pétro et Grigori Melekhov, deux frères au sang chaud. Leur histoire est fascinante, leur grand-père a combattu les Ottomans et en a ramené une épouse. Depuis, on les appelle «les Turcs», à cause de leur peau brune et de leurs yeux ardents, quelque chose qui tient de la bête sauvage. Et justement, la relation entre les deux frères est tendue, pendant un moment, je m'attendais à ce que leurs disputes se transforment en un conflit ouvert. Mais cette idée est rapidement mise de côté. Dans la première partie, Grigori s'emmarouche d'Aksina, l'épouse de son voisin Stéphane Astakhov. Cette histoire d'amour, je ne la comprends pas trop, la jeune fille semble plutôt insignifiante. On est loin d'Anna Karénine ou même de Natasha Rostov. Mais bon, les voix de l'amour sont impénétrables…

Dès la deuxième partie, le Don paisible rejoint l'histoire. Les troubles à l'est, la Première guerre mondiale, les problèmes interne, la montée en puissance des Bolcheviks et la révolution d'Octobre, la guerre civile qui oppose Lénine et Kérenski, etc. Et les Cosaques sont pris entre les deux, hésitants. «- L'égalité pour tous, voilà. Il ne doit y avoir ni maîtres ni serfs.» (p. 676) Quel pauvre paysan ne serait pas tenté par cette expérience ?

Mais, éventuellement, les exigences du Soviets rencontrent la résistance des Cosaques du Don qui se mobilisent en masse. Il y avait quelque chose de grandiose, de poétique dans la levée des Cosaques. «L'insurrection bouillonna et déborda comme un fleuve en crue, submergea toute la vallée du Don et la steppe sur l'autre rive du fleuve à quatre cents verstes à la ronde.» (p. 838)

Cette partie du roman est la plus importante. Elle est la plus longue, aussi. Très technique, également. Il était beaucoup question des atamans, mouvements des régiments et des divisions armées, des pelotons de batterie qui prennent position, d'offensives, de fronts qui se déplacent au gré des victoires et des défaites. Sans oublier d'avoir à démêler les Cosaques, les armées de volontaires et les Blancs. Mais tout ce jargon militaire cède le pas devant les actes d'héroïsme accomplis par les Cosaques. Pendant un bon moment, je me suis surpris à espérer leur victoire mais quiconque a un minimum de connaissances en histoire sait que les Soviétiques ont rétabli leur pouvoir sur l'ensemble du territoire russe.

J'ai apprécié cette lecture mais pas autant que je l'aurais cru. le problème vient en partie de moi. J'ai lu trop de classiques russes et je ne peux m'empêcher de comparer le Don paisible à ces grandes oeuvres.

Comme dans beaucoup de romans russes, les noms causent parfois quelques problèmes. Outre le fait qu'ils sont peu usuels pour locuteur francophone, certains sont mélangeants. Par exemple, Mitka ou Michka, je sais bien qu'ils sont différents mais, quand ils s'appliquent à deux jeunes hommes à quelques chapitre d'écart, on ne se rappelle plus lequel est lequel. Grigori Pantéléïvitch est parfois appelé seulement Grigori ou Grichka. Toutefois, Grichaka est un grand-père entremetteur. Et Miron Grigorivitch est un officier.

Deux autres éléments m'ont un peu déplu. D'abord, tout est noir ou blanc. Il va sans dire que les Cosaques, avec leur idéal noble de liberté et de courage, représentent le bien. Ils n'ont que des qualités, ou presque. Leur seul défaut est leur impétuosité. Évidemment, les Bolcheviks ne représentent pas le mal (sinon, le Don paisible n'aurait pas été une des lectures préférées de Staline !), dans tous les cas, ils ne sont pas diabolisés, mais ils constituent quand même l'ennemi. Aussi, les autres personnages négatifs sont trop facilement identifiables, comme Stéphane Astakhov, violent, ou le serrurier Stockman, calculateur. Au moins, ils forment une galerie de personnages mémorables.

Ensuite, je trouve que les personnages féminins sont beaucoup négligés. Aksinia Astakhov est indécise, voire volage. Douniachka, Daria et Natalia Melekhov, respectivement la soeur, la belle-soeur et l'épouse de Grigori, ne sont que l'ombre du dernier des Cosaques. le début du roman laissait entrevoir qu'elles tiendraient un rôle important mais, finalement, elles sont expédiées rapidement, en quelques paragraphes. Seules deux ou trois vieilles femmes anonymes, par leur résilience et leur courage, embrassaient mieux l'idéal cosaque.

Malgré ces faiblesses, le Don paisible demeure une lecture majeure pour quiconque est intéressé par la Russie de la première moitié du 20e siècle. C'est surtout une grande fresque, consacrée à un monde qui n'est plus, celui des Cosaques et de leur mode de vie traditionnel formant une riche culture plusieurs fois centenaires. Rien de tel pour connecter avec «l'âme russe».
Commenter  J’apprécie          434



Ont apprécié cette critique (40)voir plus




{* *}