AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nadejda


«La lumière est douce, tamisée par les bois de bouleaux et de résineux qui encadrent la route. Un semblant de voile, moins qu'une brume, paraît ainsi jeté sur le paysage, et on peut en distinguer le grain dans l'air. Il est plus de quatre heures, il ne tardera pas à faire froid.»

Gouri devenu écrivain public à Kiev où il vit avec Teresa sa femme et leur fille Ksenia, s'achemine vers la zone interdite autour de la centrale de Tchernobyl au volant de sa moto à laquelle est accrochée une remorque. Il veut retourner à Pripiat, là où il vivait avec sa famille avant la catastrophe.
Il s'arrête en soirée, chez Eva et Iakov à Chevtchenko, village contaminé et déserté proche de la zone interdite. Deux ans se sont écoulés depuis son départ. «On dirait que rien n'a changé ici» Et pourtant ici règne le silence, les maisons sont abandonnées et d'étranges phénomènes ont lieu mais il est vrai que les rares habitants qui continuent à y vivre le font dans un climat d'irréalité. Les souvenirs d'un temps révolus remontent et la vie se poursuit malgré les risques. Ils ne peuvent pas se faire à l'idée que leur monde soit devenu interdit. Ceux qui ont été contraints au départ ont du mal à l'admettre.

Désespoir ou élégance ? Gouri se pose la question et la pose à ceux qui l'écoutent réunis autour de lui chez Iakov, lui qui a composé un poème par jour depuis la catastrophe..... «Quelques mots chaque jour, oui un poème si on veut, comme un petit crachat de ma salive à moi dans le grand feu. Et ce sera comme ça tous les jours que Dieu me donnera.» :

« La bête n'a pas d'odeur

Et ses griffes muettes zèbrent l'inconnu de nos ventres

D'entre ses mâchoires de guivre

Jaillissent des hurlements

Des venins de silence

Qui s'élancent vers les étoiles

Et ouvrent des plaies dans le noir des nuits

Nous voilà pareils à la ramure des arbres

Dignes et ne bruissant qu'à peine

Transpercés pourtant de mille épées

A la secrète incandescence.»

Un texte intense qui touche car même au milieu d'un monde contaminé, ce petit groupe d'hommes et de femmes reste digne et maintient la vie qui continue à palpiter comme cette bougie tremblotante à la fenêtre de la chambre de Iakov qui accueille Gouri au retour de son expédition à Priapat. Un texte plein d'humanité, à la beauté fragile et tragique.
Commenter  J’apprécie          400



Ont apprécié cette critique (28)voir plus




{* *}