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Critique de Yassleo


Un aveu: j'étais fâchée depuis le lycée avec le roman épistolaire à cause de Montesquieu qui aura gaché une bonne partie des mercredis après-midi de mes 16 ans, passés dans la douloureuse étude de ses satanées lettres persanes, ce que 25 ans plus tard je ne pardonnais toujours pas. Mais ma crise d'adolescence arrivant quasiment à son terme (j'aime prendre mon temps), j'ai décidé de renouer avec le genre grâce à deux grands auteurs, Choplin et Mingarelli. Roman de moins de 100 pages et contemporain, la prise de risque comme choix de lecture me semblait acceptable. Et banco, j'ai accroché.

Cette correspondance fictive entre deux amis d'enfance renouant le contact après s'être perdus de vue une quinzaine d'années est très aboutie, malgré une idée de départ peu séduisante. Car à bien y réfléchir, que vont se raconter deux copains qui mérite d'en faire le récit? Quitte ou double, ça peut être très vite casse-pieds ce genre d'échange.

Au début on lit en effet les banalités d'usage des retrouvailles: je suis trop content de te retrouver ; ouais moi aussi ; ben moi je travaille dans une scierie ; ah c'est chouette moi je suis dans un bureau en musicologie, etc... 
Puis finalement après avoir fait le tour des politesses, le sujet de conversation qui s'impose entre anciens potes est évidemment les souvenirs du passé. Mais Pavle et Jovan, nos deux protagonistes, malgré cette apparente légèreté de ton du début, ne vont pas nous raconter leurs souvenirs de vacances ou de virées en boîtes (ouf). Non car eux partagent un lourd passé: ils ont participé à la guerre en ex-Yougoslavie 15 ans plus tôt et sont liés à jamais par un évènement tragique dont ils sont les seuls témoins.
Tous deux avouent d'abord du bout de la plume puis plus ouvertement leurs difficultés à la fois à se souvenir et à oublier cet épisode qui les bouleverse toujours. Les faits sont présents mais flous, chacun connait sa vérité et la confronte à celle de l'autre, cherchant à réveiller cette mémoire et faire éclore la vérité pour mieux affronter ses propres souvenirs.

Témoin de cet échange épistolaire sur une période d'un an, on assiste semaine après semaine à l'évolution des confidences, des plus superflues aux confessions les plus intimes. L'écriture leur permet alors de se mettre à nu, de se confronter à la confusion de leurs sentiments, entre colère et culpabilité, et de mettre enfin des mots sur l'ineffable. Mais leur correspondance leur permettra aussi de prendre la mesure de l'inutilité des mots pour guérir certaines souffrances.
Une brillante réussite pour une brillante association d'auteurs. 

Une promesse maintenant: Montesquieu tu pourras donc remercier Choplin et Mingarelli car grâce à eux, je reviendrai vers toi pour te laisser une deuxième chance. Mais t'emballes pas, uniquement quand j'aurai vraiment fini de grandir, là je boude encore un peu avant.
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