Quel est le livre qui vous a donné envie d`écrire ?
Disons « Vercoquin et le plancton » de Vian, à moins que ce ne soit «La disparition» de Perec.
Quel est l`auteur qui vous a donné envie d`arrêter d`écrire (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Samuel Beckett, par exemple avec « Watt » ou « Mercier et Camier. »
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
« 1984 », George Orwell.
Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?
Peut-être « L`étranger », Camus ou « Des souris et des hommes», Steinbeck.
Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?
La bible.
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
« Mon grain de sable », Luciano Bolis.
Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?
« La peste », Camus.
Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?
« le génie, c`est de pouvoir convoquer l`enfance à volonté. » (Baudelaire)
Et en ce moment que lisez-vous ?
« La couleur de la guerre. », d`Arkadi Babtchenko (Récits de guerre de Tchétchénie.)
Mots pour mots : Antoine Choplin répond à ses lecteurs
Dans le cadre de notre opération Mots pour Mots, ce sont les lecteurs Agathe10000 et Cleomine et Bibalice qui ont réalisé l`interview d`
Antoine Choplin pour «
Le héron de Guernica». Voici leurs questions :
Vos romans se situent à une période historique particulière (Radeau, Guernica), ou dans un contexte social précis (Cour Nord). Comment prêtez-vous vie à vos personnages ? (grâce à de la documentation, des témoignages, en rencontrant des personnes ayant vécu les situations ou du moins l`époque que vous décrivez ?)
Il est rare que mes personnages de roman évoquent des personnes rencontrées ou issues du monde réel. Et si c`est le cas, il s`agit de personnages secondaires. Presque toujours, il me semble plutôt qu`ils naissent d`un creuset archétypique, assez stable. J`aime confronter au monde, aux contextes que vous évoquez, des personnes singulières, en prise directe avec leur propre humanité. La sorte de naïveté qui est souvent la leur confine à la fois à une très grande simplicité et à une forme de génie, qui les amènent tout autant à des formes d`émerveillement sur le monde qu`à des formes aiguës de révolte. Autrement dit, qui leur laisse la chance d`un regard pur sur les choses et les gens.
De même, vous êtes-vous beaucoup documenté sur l`attaque et la ville de Guernica ou certains éléments ont-ils été inventés pour le récit (la mercerie, l`usine...) ?
J`utilise la documentation avec beaucoup de prudence. J`ai parfois éprouvé qu`un abord trop précis de la réalité pouvait être de nature à étouffer les forces fictionnelles. La documentation est indispensable pour éviter les contresens à partir du moment où on revendique une contextualisation. Mais je me garde d`aller au-delà.
Vous restituez de nombreux silences et de non-dits dans les dialogues et la plupart des scènes dans le contexte pourtant éminemment violent d`une guerre et du bombardement d`une ville. Cette approche par le silence et par la poésie s`est-elle tout de suite imposée ?
Oui, l`approche en creux, la part du silence sont indispensables dans l`abord de la complexité. Des dialogues trop léchés, des descriptions trop finies, sont pour moi de nature à aplanir ce qui doit être tenu dans l`épaisseur. le romancier doit faire face et allégeance à toutes sortes de contraintes, grammaticales, d`intelligibilité… ; dans le but de rester au plus près de mes personnages, de leur humanité, de leurs ambiguïtés mais aussi de celles qui agitent leur univers, je fais ce que je peux pour inventer des espaces irrésolus et libres au sein du récit. Et le silence, la poésie en sont les principaux moteurs.
L`idée du roman vous est-elle venue de l`admiration que vous pourriez avoir pour le tableau de Picasso ?
Non, même si j`ai effectivement été très impressionné par l`œuvre lorsque je l`ai découverte à Madrid. Une des sources de ce texte serait plutôt mon questionnement sur le fait que Picasso a peint ce tableau depuis Paris. Dès lors, que vaut, à côté de lui, l`œuvre d`un artiste mineur mais qui, quant à lui, était à Guernica lors du bombardement ?
Aviez-vous des modèles pour le personnage de Basilio ? de part sa simplicité et sa naïveté, beaucoup de lecteurs ont vu en lui une sorte de sublimation de l`artiste au service de son œuvre. Était-ce votre volonté ?
On en revient à votre question sur la naissance des personnages à laquelle j`ai répondu par cette notion d`archétype. Et bien sûr, ces types de personnages, naïfs, parfois géniaux (c`est du moins ce que je crois), émerveillés et révoltés, convoquent en eux-mêmes des sensibilités, des regards d`artistes.
Il y a de nombreuses réflexions sur le rôle de l`art dans la société et sur son pouvoir de témoignage. Pensez-vous que l`art doit avoir un rôle social ou politique ? En d`autres termes, l`art se doit-il être utile ?
Je place l`art sur un autre plan que celui du social ou du politique. Il y a certainement un art « utile » au sens où vous l`entendez, et il m`arrive de m`en réjouir. J`ai eu l`occasion d`évoquer récemment dans un article, le poème « Strange fruit » qui, dans les années 30, évoquent ces noirs pendus par le Ku Klux Klan aux branches des arbres. La vie de ce poème à travers le 20e siècle, le courage de certains de ses lecteurs en public, l`interprétation inoubliable qu`en a fait Billie Holliday, tout cela a conféré à cette œuvre un rôle social et politique important. Mais l`art ne doit pas être tenu par cette obligation. Il tient parfois au contraire sa force de savoir se tenir en lisière de notre monde, de se poser ailleurs. Beckett est un écrivain majeur qui s`est tenu, de ce point de vue, à distance. A titre personnel et dans mon travail, je crains et je tiens à l`écart les tentations de militantisme, qui me détourneraient, c`est en tout cas ce que je crois, de ma recherche principale : me tenir au plus près de l`humanité portée par mes personnages dans différents contextes.
Les descriptions de l`artiste au travail sont très riches. Vous sentez-vous proche de Basilio dans sa façon de créer une œuvre ?
Il est possible que nous ayons quelques points communs.
Pouvez-vous nous en dire plus sur vos prochains projets ?
J`achève actuellement un texte romanesque qui se déroule dans l`environnement de Tchernobyl (j`y ai fait un voyage très marquant il y a deux ans). Sinon, je débute prochainement une résidence d`écriture poétique à Saint Nazaire. Je vais la construire sur le terreau de la rencontre avec les ouvriers des chantiers navals.
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Le héron de Guernica d`Antonie
Choplin aux éditions du Rouergue

Antoine Choplin, Prix Louis Guilloux 2017
Rencontre avec Antoine Choplin, lauréat du Prix Louis Guilloux 2017 pour son livre "Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar" paru aux éditions La Fosse aux Ours.