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Jean Starobinski (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070429349
464 pages
Gallimard (04/06/2003)
  Existe en édition audio
3.63/5   1793 notes
Résumé :
Montesquieu
Lettres persanes

[Contrairement à ce qui est indiqué sur cette fiche, ni Christine Girodias-Majeune ni François Tacot n'ont pris part à cette édition, totalement dépourvue de toute note ou appareil critique, comme tous les ouvrages de cette collection, domaine public publié "brut de décoffrage"]

4e de couverture de l'édition Booking International "Grands textes classiques" ISBN 9782743406080 :

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Critiques, Analyses et Avis (93) Voir plus Ajouter une critique
3,63

sur 1793 notes
Les lettres persanes se lisent comme un roman épistolaire, même si le propos a des ambitions philosophiques et sociologiques
Usbek et Rica quittent la Perse pour découvrir l'Europe, et font par de leurs impressions dans ces écrits qu'ils adressent aux amis qu'ils auront croisés au cours d é leur périple mais aussi à des correspondants restés en Perse.
La naïveté avec laquelle ils décrivent les moeurs des pays traversés (et surtout la France) donne un ton léger à ce qui est pourtant une critique acerbe des us et coutumes locaux. (Montesquieu est aux Pays-Bas lorsqu'il rédige l'ouvrage, qu'il ne signe pas). C'est aussi un atout pour le lecteur que cet humour satirique.
Tout y passe : la mode, la religion, le mariage, la monogamie, le verbiage des érudits, mais aussi la monarchie, l'esprit des lois, la justice la presse quotidienne naissante et l'opportunisme des courtisans.
Si Montesquieu donne la parole à un musulman fidèle à sa religion, il n'hésite par cependant à faire part de ses doutes sur certaines pratiques (les interdits alimentaires notamment ). Mais l'occasion est belle aussi pour exprimer ses doutes quant aux fondements du christianisme et aux légendes qu'il colporte.

Les lettres couvrent une période de neuf ans et l'absence d'Usbek prolongée au sérail a des conséquences dramatiques : il perd ses épouses. le voyage a profondément transformé l'homme qui se sent contraint de retourner au pays.

Belle incursion au coeur du 18ème siècle, sous une forme accessible et plaisante ( qui demande cependant un peu d'attention, car le style d'écriture, le vocabulaire et les références sont d'époque, même si les adaptations les plus récentes facilitent la tâche).


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Rédiger un commentaire sur ce livre est une tâche difficile. Ce n'est pas assez que de percevoir en lui un simple roman épistolaire constitué d'une douzaine de personnages orientaux. Les lettres persanes est un roman encyclopédique :
- Une analyse historique et commentaire original sur les genres de pouvoir politique.
- Une fresque universelle des sociétés occidentale et orientale.
- Un dictionnaire des métiers.
- Une vue sur les diverses religions.
- Un commentaire sur les domaines philosophiques traités par d'autres philosophiques.
- Une critique d'art et surtout de la littérature.

Les lettres persanes est un roman où son héros Usbek quitte ses femmes et voyage avec son ami Rica, de la Perse vers l'Europe et précisément en France où il s'installe. Usbek ressent une terrible nostalgie envers sa patrie et veut revoir ses femmes (ce sujet central n'est qu'un prétexte pour Montesquieu pour d'autres intentions).

Montesquieu a fait une ébauche de son projet ultérieur de L'Esprit des lois. Il traite du despotisme en exposant ses dangers pour le despote, ses inconvénients et les outrages qu'il exerce. de plus, il nous présente les rois –avec toujours cette comparaison Orient-Occident- guidés par leurs ambitions et la bassesse de leurs ministres mais aussi d'un savoir très modeste résultats du mauvais conseil des maîtresses multiples et des confesseurs. Montesquieu semble plus favorable vis-à-vis les républiques qui sont la voix du peuple et sa volonté (toujours selon lui). Après, il vient aux gouvernements dont les plus doux sont les plus parfaits, et aux ministres source de la corruption des rois qui seront parfaits étant de bonne foi et conscients de leur responsabilité.

Par ailleurs, Montesquieu décrira son idéal des lois et les règles selon lesquelles elles doivent s'établir. Pour lui les peines doivent être modérées et justes. Il fera une ample présentation de la justice, sa définition, son rôle, son importance et ses critères de réussite. Montesquieu trouve l'occasion aussi de mettre à nu les avocats et leurs manoeuvres, de faire le portrait des juges et de ridiculiser les jurisconsultes qui manquent d'esprit et de justesse.

Dans son roman, Montesquieu n'oubliera pas la littérature. Pour lui les poètes dramatiques sont supérieurs aux poètes lyriques, les épopées sont rares (il n'y a que deux). Il décrira la vie des comédiens et leur détresse. Mais il est hostile aux romans et n'épargne pas l'art, pernicieux et enseignant la mollesse.

Les lettres persanes présente un débat sur les religions où l'auteur décèle leurs misères et leurs grandeurs. Il se réfère surtout aux adeptes de ces religions qui se plaisent à transgresser leurs commandements. Il esquissera de nombreuses questions métaphysiques comme l'existence de Dieu et sa bonté, la liberté de l'homme… et montrera la limite de la raison humaine.

Ce roman épistolaire est aussi un véritable dictionnaire des métiers : médecins, juges, avocats, évêques, acteurs, financiers, interprètes, militaires, marchands, astronomes, scientifiques, orateurs, paysans… et des conditions : esclaves, eunuques, maîtresses des rois, bourgeois, vieux, femmes (qui tiennent une place importante dans le roman)…

Montesquieu fera un vol sur plusieurs peuples, portugais, français, espagnols, turcs, persans, romains, grecs... faisant une description de leurs moeurs, caractères et spécificités, tout en rapportant plusieurs faits historiques. le roman contient beaucoup d'anecdotes aussi.

Tout cela dans une prose admirable, l'une des meilleures de la littérature française. Ce qui fait de cette oeuvre l'un des plus grands romans.
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Le premier "roman épistolaire" n'était pas censé en être un ! Montesquieu, désireux surtout de publier une correspondance fictive, se rend compte quelques années plus tard que son ouvrage est perçu véritablement comme un roman à part entière. Montesquieu nous offre ici une oeuvre captivante qui a l'immense intérêt de nous proposer plusieurs niveaux de lecture.
Au premier regard, nous avons le point de vue d'Orientaux fictifs en train d'observer, de commenter et de tenter de comprendre la société française du début du XVIIIe siècle. C'est donc sous la forme d'une intrigue légère, teintée de naïveté, qu'on découvre d'abord cette oeuvre, intrigue qui ne peut que cacher un dessein plus important.
En effet, nous voyons bien sûr poindre, par la suite, les propres pensées de l'auteur : ses critiques de la société française, et surtout son système politique, la monarchie autoritaire de Louis XIV puis les abus de la Régence, ses doutes en matière religieuse (on ressent fortement la tentation déiste), ainsi que sur les modalités de pensée de l'époque selon le savant-philosophe qu'était Montesquieu. C'est un véritable commentaire social auquel se livre donc cet auteur unique.
Enfin, dernier regard possible, celui de l'historien. Les Lettres Persanes sont une fantastique plongée dans les circulations internationales au XVIIIe siècle. Publiées d'abord à Amsterdam, faussement à Cologne, puis dans toute l'Europe, par un auteur français qui fait intervenir des grands personnages orientaux, nous avons là des mobilités fantastiques à l'échelle de l'Europe ! de même, on voit que la circulation des idées dans toute l'Europe est parfaitement digérée et cela est surtout illustrée par l'usage de ces correspondances internationales qui, adressées individuellement, étaient souvent lues collectivement ensuite. Enfin, Montesquieu se base sur un nombre de sources impressionnant et d'origine très diversifiée, notamment des récits de voyage dont le nombre devient exponentiel au XVIIIe siècle.
En conclusion, les Lettres Persanes, sur certains aspects, pourraient certainement être rebaptisées "Les Français Ridicules" tant le regard porté sur la France est conséquent. Mais comme je viens de le décrire, cette oeuvre est même bien plus que cela.
Entre humanité et identité nationale, c'est la vision de l'Autre qui est ici développée, vision finalement très (trop) actuelle (investissements en masse des Qataris, rejet de l'immigration, etc.), dans un monde globalisé qui stigmatise de plus en plus, malgré les bienfaits de toute compréhension de "l'Autre"...
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Comme si j'n'existais pas
Elle est passée à côté de moi
Sans un regard, reine de Saba
J'ai dit Aïcha, prends, tout est pour toi

ça se termine dramatiquement, dans le sang, au sérail d'Usbek, qui est à Paris. Loin des yeux, loin du coeur ?
Les lettres persanes est/sont un roman philosophico-politique épistolaire. Usbek abandonne son sérail d'Ispahan à son grand eunnuque noir, et part plusieurs années pour Paris avec son ami Rica.
Ce qui les frappe d'entrée, ce sont les Parisiennes, libres, pas voilées, qui vont où elles veulent, qui disent ce qu'elles veulent.
Après, selon les lettres et la sensibilité des deux amis, ceux-ci ( le baron de Montesquieu) abordent divers sujets, religieux, politiques et sociaux.
Louis XIV, les jésuites et Dieu ( convention humaine) en prennent pour leur grade ; la justice et les lois aussi, mais surtout l'étroitesse d'esprit des magistrats et de ceux qui font les lois. Depuis Les lettres persanes ( 1721), on voit pointer le traité politico-philosophique " de l'Esprit des lois"(1748).
.
La forme épistolaire permet à Montesquieu une critique déguisée sous forme de deux étrangers qui s'envoient des lettres, entre eux mais aussi en Perse, de critiquer indirectement le système français.
Par exemple, quand Montesquieu croit percevoir un abaissement de la démographie. Il explique cela d'une façon intéressante.
Pour l'auteur, le système romain ( mariages-divorces) était meilleur ; ici, une femme qui n'aime pas son mari ne peut divorcer ; d'autre part, il y a trop d'ecclésiastiques ( qui ne font pas d'enfants) ; quand au système musulman des harems, le nombre d'eunnuques empêche, selon lui, l'augmentation des naissances.
Après une descente aux enfers de l'incompétence des médecins, l'auteur trouve une solution aux problèmes d'insomnies : des décoctions à base de tisanes de feuilles philosophiques saoûlantes, de harangues ou de sermons !
Il fait une belle analyse de chacun des pays d'Europe, relevant d'une phrase les points forts et faibles de chacun !

Puis le lecteur "souffle", se distrait quand Zalema imagine un sérail inversé où une femme aurait plein d'hommes !
Enfin, John Law passe au tribunal montesquien : c'est un infâme ministre ( oui, j'ai vérifié, cet Ecossais a été ministre français), qui donne le mauvais exemple avec ses billets, bouleverse l'ordre établi sous la régence, et l'on s'aperçoit que des débiteurs tuent alors leurs créanciers ( vrai/faux?)
.
J'ai été lent à le lire, ce livre est soporifique pour moi, comme les sermons de la décoction montesquieuse ; en plus je n'aime pas les romans épistolaires, car même si je rentre dans le coeur des personnages, je suis perdu car j'aime suivre un fil rouge. Là, on passe du coq à l'âne. Chez mon Friedrich aussi, mais lui, je l'aime, c'est différent, j'ai une profonde amitié pour mon moustachu souffrant de l'humain trop humain, tout comme pour mon Stefan en crise ( L'homme cardinal est, lui aussi, une révolte)
.
ici, Charles Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu, par les yeux perçants de nos deux Persans, semble faire un froid bilan de la France de Louis XIV, qui abaisse les nobles, et de Philippe II, duc d'Orléans, qui se fait piéger par un financier étranger.
Cependant, c'est brillant ! le style est clair, malgré de rares passages obscurs, et comme mon Friedrich, Charles Louis ( n'est ce pas ; tu-vas-bien ?) Charles Louis donc, sait faire de petites phrases qui illuminent ce roman épisolaire :)
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Bah oui, je n'avais jamais lu les « Lettres Persanes » de Montesquieu... Je sais, c'est très mal, mais la littérature du XVIIIe siècle ne m'a jamais particulièrement attirée et je garde un souvenir indifférent de mes lectures scolaires de Voltaire et franchement ennuyé de celles de Rousseau. Histoire de ne pas mourir stupide, j'ai voulu retenter tout de même ma chance avec Montesquieu et ses fameuses lettres encensées par tous les professeurs de littérature depuis que le Grand Manitou a créé le système éducatif.

Au cas très improbable où vous ne connaitriez pas le contexte du livre, le voici : à la fin du glorieux et surtout très longuet règne de Louis XIV, deux persans débarquent en France, poussés leur désir de découvrir le monde occidental. Usbek le penseur vertueux et Rica l'homme sociable arrivent donc à Paris et béent d'ahurissement devant ce monde si différent de celui auquel ils sont habitués : tout les étonne, des extravagances de la mode française aux incessantes querelles de l'Eglise, en passant par les petites manies des bourgeois parisiens et les ridicules des courtisans de la Cour du Roi Soleil. Montesquieu nous fait partager leur abondante correspondance avec leurs proches restés en Perse, prétexte à milles petites réflexions et commentaires philosophiques sur des sujets aussi variés que la politique, la religion, la littérature, la place des femmes dans la société, la justice, etc.

Première chose à souligner à l'avantage de Montesquieu, son style d'écriture est effectivement, et comme je l'ai souvent entendu répéter, très agréable à lire : à la fois fluide et riche, il capte sans difficulté l'attention du lecteur et on saute rapidement d'une lettre à l'autre, d'autant plus que la plupart sont très courtes. La plupart des réflexions exposées dans ces lettres sont à la fois pertinentes et faciles d'accès, présentées avec une simplicité et un humour légèrement narquois qui font plaisir à lire, quand on pense à l'herméticité de la plupart des ouvrages philosophiques (ô cours de terminale, comme vous vous rappelez douloureusement à mon souvenir). Montesquieu philosophe, j'adhère !

Montesquieu romancier, un peu moins … Je regrette notamment d'avoir trouvé l'aspect roman épistolaire si peu exploité et essentiellement prétexte à exposer les idées de l'auteur, simple artifice littéraire sans véritable impact narratif. Je n'ai pas éprouvé non plus d'intérêt particulier pour les personnages, aucun ne possédant de véritable « voix » littéraire, leurs réflexions étant interchangeables à mes yeux et variant uniquement sur les thématiques – vertu et éthique pour Usbek, société et mondanités pour Rica. Enfin, mais c'est très subjectif de ma part, le ton moralisateur de l'ensemble m'a un peu lassée sur la fin. Pas une révélation en ce qui me concerne, mais une lecture instructive et intelligente tout de même.
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Citations et extraits (232) Voir plus Ajouter une citation
Paris est aussi grand qu'Ispahan : les maisons y sont si hautes, qu'on jugerait qu'elles ne sont habitées que par des astrologues. Tu juges bien qu'une ville bâtie en l'air, qui a six ou sept maisons les unes sur les autres, est extrêmement peuplée ; et que, quand tout le monde est descendu dans la rue, il s'y fait un bel embarras.
Tu ne le croirais pas peut-être, depuis un mois que je suis ici, je n'y ai encore vu marcher personne. Il n'y a pas de gens au monde qui tirent mieux partie de leurs machines que les Français ; ils courent, ils volent : les voitures lentes d'Asie, le pas réglé de nos chameaux, les feraient tomber en syncope. Pour moi, qui ne suis point fait à ce train, et qui vais souvent à pied sans changer d'allure, j'enrage quelquefois comme un chrétien : car encore passe qu'on m'éclabousse depuis les pieds jusqu'à la tête ; mais je ne puis pardonner les coups de coude que je reçois régulièrement et périodiquement. Un homme qui vient après moi et qui me passe me fait faire un demi-tour ; et un autre qui me croise de l'autre côté me remet soudain où le premier m'avait pris ; et je n'ai pas fait cent pas, que je suis plus brisé que si j'avais fait dix lieues.

Rica à Ibben, à Smyrne.
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Je vois ici des gens qui disputent sans fin sur la Religion; mais il semble qu'ils combattent en même temps à qui l'observera le moins. Non seulement ils ne sont pas meilleurs Chrétiens, mais même meilleurs citoyens, et c'est ce qui me touche : car, dans quelque religion qu'on vive, l'observation des lois, l'amour pour les hommes, la piété envers les parents, sont toujours les premiers actes de religion. En effet, le premier objet d'un homme religieux ne doit-il pas être de plaire à la Divinité, qui_a établi la religion qu'il professe? Mais le moyen le plus sûr pour y parvenir est sans doute d'observer les règles de la société et les devoirs de l'humanité: car, en quelque religion qu'on vive, dès qu'on en suppose une, il faut bien que l'on suppose aussi que Dieu aime les hommes, puisqu'il établit une religion pour les rendre heureux; que,s'il aime les hommes, on est assuré de lui plaire en les aimant aussi, c'est-à-dire en exerçant envers eux tous les devoirs de la charité et de l'humanité, et en ne violant point les lois sous lesquelles ils vivent. Par là, on est bien plus sûr de plaire à Dieu qu'en observant telle ou telle cérémonie : car les cérémonies n'ont point un degré de bonté par elles-mêmes; elles ne sont bonnes qu'avec égard et dans la supposition que Dieu les a commandées. Mais c'est la matière d'une grande discussion; on peut facilement s'y tromper : car il faut choisir les cérémonies d'une religion entre celles de deux mille. Un homme faisoit tous les jours à Dieu cette prière :
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Paris est peut-être la ville du monde la plus sensuelle, et où l'on raffine le plus sur les plaisirs; mais c'est peut-être celle où l'on mène une vie plus dure. Pour qu'un homme vive délicieusement, il faut que cent autres travaillent sans relâche. Une femme s'est mis dans la tête qu'elle devait paraître à une assemblée avec une certaine parure; il faut que, dès ce moment, cinquante artisans ne dorment plus et n'aient plus le loisir de boire et de manger: elle commande, et elle est obéie plus promptement que ne serait notre monarque, parce que l'intérêt est le plus grand monarque de la terre.
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A Venise.

Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été; ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver: mais surtout on ne saurait croire combien il en coûte à un mari, pour mettre sa femme à la mode.
Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers; et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé.
Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui parait étranger; il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies.
Quelquefois les coiffures montent insensiblement; et une révolution les fait descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même: dans un autre, c'était les pieds qui occupaient cette place; les talons faisaient un piédestal, qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement; et les règles de leur art ont été asservies à ces fantaisies. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois les femmes avaient de la taille, et des dents; aujourd'hui il n'en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu'en dise le critique, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères.
Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la cour, la cour à la ville, la ville aux provinces. L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.

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Il n’y a pas longtemps que je suis en Europe ; mais j’ai ouï parler à des gens sensés des ravages de la chimie. Il semble que ce soit un quatrième fléau, qui ruine les hommes et les détruit en détail, mais continuellement ; tandis que la guerre, la peste, la famine, les détruisent en gros, mais par intervalles
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Vidéo de  Montesquieu
« […] les auteurs d'aphorismes, surtout lorsqu'ils sont cyniques, irritent ; on leur reproche leur légèreté, leur désinvolture, leur laconisme ; on les accuse de sacrifier la vérité à l'élégance du style, de cultiver le paradoxe, de ne reculer devant aucune contradiction, de chercher à surprendre plutôt qu'à convaincre, à désillusionner plutôt qu'à édifier. Bref, on tient rigueur à ces moralistes d'être si peu moraux. […] le moraliste est le plus souvent un homme d'action ; il méprise le professeur, ce docte, ce roturier. Mondain, il analyse l'homme tel qu'il l'a connu. […] le concept « homme » l'intéresse moins que les hommes réels avec leurs qualités, leurs vices, leurs arrière-mondes. […] le moraliste joue avec son lecteur ; il le provoque ; il l'incite à rentrer en lui-même, à poursuivre sa réflexion. […]
On peut toutefois se demander […] s'il n'y a pas au fond du cynisme un relent de nostalgie humaniste. Si le cynique n'est pas un idéaliste déçu qui n'en finit pas de tordre le cou à ses illusions. […] » (Roland Jaccard.)
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Référence bibliographique : Roland Jaccard, Dictionnaire du parfait cynique, Paris, Hachette, 1982.
Images d'illustration : Vauvenargues : https://www.buchfreund.de/de/d/p/101785299/luc-de-clapiers-marquis-vauvenargues-1715-1747#&gid=1&pid=1 Georges Perros : https://editionsfario.fr/auteur/georges-perros/ Anatole France : https://rickrozoff.files.wordpress.com/2013/01/anatolefrance.jpg Prince de Ligne : https://tresorsdelacademie.be/fr/patrimoine-artistique/buste-de-charles-joseph-prince-de-ligne#object-images Jules Renard : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a5/Jules_Renard_-_photo_Henri_Manuel.jpg Blaise Pascal : https://www.posterazzi.com/blaise-pascal-french-polymath-poster-print-by-science-source-item-varscibp3374/ André Ruellan : https://www.babelio.com/auteur/
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