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Critique de berni_29


Partiellement nuageux, c'est l'histoire d'Ernesto, astronome dans le modeste observatoire de Quidico, au Chili, en plein territoire mapuche. Son univers est partagé entre deux paysages, celui de l'Océan Pacifique le jour, celui des constellations la nuit...
C'est une lumière crue dans un ciel parfaitement bleu qui parfois devient partiellement nuageux, la pluie peut venir alors...
C'est un récit où les paysages agissent comme une sorte de miroir, où regarder le ciel peut emmener à l'intérieur de soi.
Ernesto a pour seul compagnon son chat qu'il appelle "Le Crabe", et Walter, son télescope. Mais ce dernier est vieux, a perdu de sa performance, il est encore possible pour Ernesto d'observer Saturne, la division de Cassini, de Titan, et aussi des mers lunaires, celles du Serpent , du Froid, des Dangers, des Humeurs ou le Marais des Épidémies,- ah ! tant de noms emplis de vertiges et d'enchantements -, mais désormais il lui est impossible d'aller scruter du côté des nuages de Magellan et puis d'une nébuleuse au nom étrange de Tarentule. Il fallait changer cette foutue Lame de Schmidt, une lentille indispensable pour que le vieux télescope retrouve de sa superbe.
Pour cela Ernesto a monté un dossier de demande de subvention et se rend à Santiago du Chili, au bâtiment de la Fondation, pour bien s'assurer de son instruction auprès des services compétents.
Au cours de ce bref séjour à Santiago, les pas d'Ernesto errent du côté du palais de la Moneda, la Plaza de Armas, le parc Quinta Normal, le centre culturel de Matucana et dans son prolongement le célèbre Musée de la Mémoire, dédié aux disparus... Les pensées d'Ernesto vagabondent, les nôtres aussi... Les fantômes de la dictature resurgissent. Nous sommes quelques années après cette sale période, cette tache indélébile dans l'Histoire du pays, le Chili continue de panser ses plaies dont certaines ne se refermeront jamais.
Ernesto se souvient... Paulina, son visage, son rire, le bruit des pas des colombes à bec jaune trottinant sur le toit en tôle de l'immeuble où ils habitaient...
C'est là, devant le mur des photographies des disparus, devant le visage de Paulina, qu'il fait la connaissance d'une jeune femme, Ema...
Les disparus ont des histoires multiples, comme autant de constellations dans le ciel... Toutes pareilles, chacune unique...
J'ai particulièrement aimé ce roman tout en pudeur et poésie, empli d'humanité et de mélancolie.
J'ai aimé les silences d'Ernesto et d'Ema, leurs déambulations dans les rues de Valparaiso, tandis que les échos du passé cognent sans cesse aux portes de leur mémoire.
Ernesto est partagé entre le souvenir de Paulina et la joie spontanée d'Ema dont le sourire se perd parfois au loin. Est-ce désormais un nouveau chemin possible ?
Ce sont deux êtres blessés qui ont tu leur douleur chacun à sa manière, Ernesto par l'observation des étoiles, Ema par la danse.
Chacun voudrait connaître l'histoire de l'autre, mais dans ce dédale où les voix des disparus sont encore présentes, ils ont simplement encore besoin de s'apprivoiser.
Pendant toute la lecture de ce récit, une chanson de Victor Jara, Te recuerdo Amanda, me trottait dans la tête comme ces colombes au bec jaune sur le toit en tôle, Victor Jara, emprisonné et torturé à l'Estadio Chile, assassiné par la junte militaire...
J'ai aimé aussi Diego l'artiste mapuche qui construit des totems et les plante en direction de l'Île des Morts, comme pour conjurer un sort. J'ai aimé son regard bienveillant posé sur Ernesto. En filigrane, nous devinons une culture indienne menacée, quelques phrases sont là pour dénoncer les terres ancestrales enlevées peu à peu aux mapuche...
Ici j'ai aimé retrouver les mots d'Antoine Choplin, merveilleux peintre des grands espaces de l'âme comme de la nature, dans ce récit concis et d'une pure beauté.
Antoine Chopin avec un ton juste et délicat sait dire le temps qui passe, la mélancolie, les blessures anciennes, la fulgurance de la joie, l'immanence de l'instant...
Se perdre dans les étoiles, y noyer un chagrin, une douleur, tenter de guetter le passage d'une comète... La nature est présente, qu'elle vienne par le ciel ou la mer, par le jour ou par la nuit. Elle est presque un personnage à part entière.
Une fois refermé ce petit récit de cent-trente-cinq pages, la puissance évocatrice de l'amour, de l'horreur, des souvenirs, de la résilience... résonne comme un coup au ventre. Totalement lumineux !
« Te recuerdo Amanda
La calle mojada
Corriendo a la fábrica
Donde trabajaba Manuel. »
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