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Critique de mumuboc


"On se demande d'où viennent ces élans - ceux qui s'imposent à vous. Je me dis parfois que c'est dans ces moments qu'on se sent le plus près de Dieu, car il vous est donné d'éprouver un peu de la joie de la création pure, de faire quelque chose qui n'est pas vous-même. Vous êtes un peu à l'image du Tout-Puissant au septième jour, lorsque vous constatez que ce que vous avez fait est bien. (p609)"

Qui était vraiment Agatha Christie ? La reine du mystère se dévoile dans cette autobiographie écrite de 1950 à 1965 et publiée en 1977, après son décès en Janvier 1976, enfin elle se dévoile je devrai plutôt dire qu'elle ne dit que ce qu'elle a envie de porter à notre connaissance car elle gardera pour elle au moins une réponse : celle de la raison de sa disparition après la mort de sa mère, Clara, et la trahison de son premier mari, Archie. Mais ne faisons pas la fine bouche, elle nous offre, dans cette autobiographie qui se lit comme un roman, beaucoup et je dois avouer que j'ai découvert une femme particulièrement sympathique.

Une enfance heureuse, choyée voire privilégiée auprès de ses parents, Frédérick (américain) et Clara (britannique) Miller, ayant un amour immense pour son père qu'elle perdra à l'âge de 11 ans et qui marquera la fin d'une époque, celle où l'argent ne se comptait pas. Elle était la cadette des trois enfants : l'ont précédés Madge et Monty. La maison de son enfance, Ashfield, restera son lieu privilégié de résidence et de coeur et elle gardera toute sa vie le goût des maisons, des déménagements et de la décoration.

Elle s'étend longuement sur son enfance et l'on ressent tout le bonheur de celle-ci, égrainant de nombreux souvenirs liés à ses jeux, son éducation, ses lectures, le personnel employé à l'entretien de la demeure. Puis elle évoque ses deux mariages : le premier avec Archie Christie, rencontré alors qu'elle n'était qu'une enfant et dont elle eut une fille, Rosalind, le second avec Max Mallowan, archéologue avec lequel elle participa à de nombreuses campagnes de fouilles principalement au Moyen-Orient qui lui permettaient d'assouvir son attrait pour les voyages mais également pour le dépaysement que lui offraient les paysages et civilisations.

Je dois avouer que j'ai été surprise par la qualité de la narration, alternant dialogues et souvenirs, la multitude de détails
donnés mais également sur certaines prises de position ou réflexions que ce soit sur son travail d'écriture mais également sur l'amitié, les femmes ou même son opinion sur sa vision du traitement à appliquer aux criminels.

"Sans férocité, sans cruauté, sans une totale absence de pitié, l'homme aurait peut-être cessé d'exister : il aurait été rapidement balayé de la surface de la Terre. L'homme mauvais d'aujourd'hui est peut-être le héros du passé. Seulement s'il était nécessaire à l'époque, il ne l'est plus de nos jours : il est maintenant devenu un danger pour l'humanité. (p535)"

Elle se révèle comme une femme à la fois sensible mais déterminée, ironique, sélective et fidèle dans ses amitiés, observatrice de ce qui l'entoure, relevant de détails (noms, lieux etc....) pour s'en servir afin de construire ses romans, pièces de théâtre et nouvelles. Une femme curieuse de tout et en particulier des arts : elle adorait chanter, jouer du piano, à tenter le dessin et la sculpture mais avoue n'avoir que peu d'aptitudes dans ces domaines. Son poste d'infirmière durant la première guerre mondiale lui permit de manipuler des substances pouvant se révéler des poisons, devenant une spécialiste de celles-ci et que l'on retrouvera dans nombre de ses romans.

Bien sûr elle évoque son travail d'écrivaine, les règles qu'elle s'imposait pour la rédaction de ses romans, la vitesse à laquelle elle les rédigeait  (mais la présence de bonnes, nurse etc... aide), ses lieux d'écriture (n'importe où du moment qu'il y avait une table, une chaise) sans oublier de glisser ici ou là ses conseils pour devenir un écrivain à succès :

"Le seul reproche que je saurais faire à un écrivain en herbe serait de ne pas avoir calibré son produit en fonction du marché (...) Si vous étiez menuisier, il serait ridicule de fabriquer une chaise dont le siège se trouverait à un mètre cinquante du sol : ce n'est pas ce que les gens veulent pour s'asseoir. (p404)"

Mais elle ne s'est pas contentée d'une vie de femme, de mère, d'écrivaine : elle fut également une voyageuse infatigable, exploratrice-archéologue  se passionnant dans les fouilles au Moyen-Orient, passion dont qu'elle partageait avec Max.

Une autobiographie qui se lit comme un roman, certes un peu long (650 grandes pages) mais mon attention ne s'est jamais relâchée (à la différence de mes bras qui pliaient parfois sous le poids du livre) tellement elle possède l'art de la narration, restituant les dialogues et anecdotes amenant parfois des pensées plus intimes ou réflexions personnelles parfois teintées d'humour.

"Il n'est pas bon de se prendre dès le départ pour un génie-né - ils sont très rares -. Non, nous sommes des artisans, les artisans d'un commerce fort honorable. Il faut apprendre les techniques, et là, dans le cadre de ce commerce, vous pourrez appliquer vos propres idées créatrices. Tout en vous soumettant à la disciple de la forme. (p404")

Certes c'est une autobiographie et elle s'est peut-être dresser un portrait flatteur mais finalement j'ai beaucoup aimé cette dame, so british, très moderne, n'écoutant que son goût dès l'enfance pour l'aventure, courant parfois après l'argent et trouvant la solution en écrivant vite fait un roman pour le faire entrer, aimant sa fille mais n'hésitant pas à l'abandonner entre des mains familiales ou domestiques pour courir le monde. Elle s'est servi de toutes ses passions pour bâtir ses romans : ses voyages dans l'Orient-Express, le Moyen-Orient, les poisons, les maisons. J'ai aimé ce ton, sans fard, vivant, abordant toutes les facettes de sa vie, avouant sa timidité dont elle n'a jamais pu se libérer et qui rendait ses prises de parole en public difficiles.

J'ai lu nombre de ses romans dans mon adolescence, les enchaînant les uns après les autres, étant à chaque fois admirative de la manière dont elle avait retenue mon attention, avait fait frissonner n'ayant parfois qu'une envie la retrouver, elle et la fluidité de son écriture sans parler de la résolution des énigmes qui me laissait sans voix.... Je pensais à chaque fois avoir trouvé la solution et à chaque fois c'était elle qui détenait le trousseau des clés. 

J'ai beaucoup aimé et j'ai ressorti ma collection de recueils de ses romans achetés dans une brocante et comme pour d'autres auteur(e)s (Jane Austen par exemple) je les lirai dans l'ordre de leur écriture maintenant que je connais pour certains la petite "cuisine" de la reine du mystère et des énigmes.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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