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Critique de gruz


Ce livre est à conseiller à ceux qui ont un esprit ouvert, très ouvert. A une autre culture, une autre manière de raconter les histoires, aux surprises aussi. Si ce n'est pas le cas, passez votre chemin, ce Lapin maudit de Chung Bora risque fort de vous déstabiliser. C'est d'ailleurs une de ses qualités.

Clarifions de suite ce qui attend le lecteur, puisque la quatrième de couverture ne le mentionne pas. C'est bien d'un recueil de nouvelles dont il s'agit, non d'un roman. 10 récits particulièrement surprenants, différents dans leurs tons et leurs approches, écrits avec la patte singulière de l'autrice coréenne.

Ce résumé cite également Eraserhead et Carrie, ce qui peut tromper le lecteur, sachant que les liens sont ténus, limités à de vagues images communes.

Pourtant habitué à lire des nouvelles dites de « genre », je crois n'en avoir jamais lues de telles. Toutes invoquant le fantastique, sous différentes formes, de différentes manières.

Certaines totalement folles lorsque lues au premier degré (avant de les intégrer au second), parfois réellement dérangeantes ou désorientantes.

Il faut vraiment accepter de se laisser porter par chaque histoire, chaque ambiance.

A une époque où une partie de la production littéraire à tendance à pousser vers l'uniformité des tons et des idées, un tel recueil est un souffle bienvenu de créativité et d'audace.

Car Chung Bora ose tout, de ce qui s'apparente à un conte traditionnel ou une fable jusqu'à des passages carrément gore, du « nonsense » au fantasque, n'hésitant pas à user d'un style décalé, et même à se lancer dans une histoire de SF parlant d'amour.

Chaque nouvelle doit s'appréhender avec ouverture, prêt à vivre une expérience de lecture étonnante le temps de 20 ou 30 pages. A accepter d'y perdre pied.

Des histoires à plusieurs niveaux de lecture, parlant de malédiction (et de lapin), de monstres, d'une grossesse non attendue, d'avidité, du lien qui attache à une vie (au sens propre comme au figuré)…

Avec quelques thèmes saillants qui pointent, comme la place des femmes, leur culpabilité à être, à travers leur sang. Ou encore l'enfance dévoyée, enfermée. Des idées qui s'avèrent, en filigrane, vraiment engagées.

Toujours avec une réelle inventivité, jouant avec les paradoxes, l'extravagance des situations, osant l'absurde pour faire passer les idées. Sans chercher toujours la chute, mais bien à raconter des histoires.

La magie, le surnaturel et le fantastique font partie intégrante de la culture coréenne, bien éloignée souvent du côté très cartésien des sociétés occidentales.

A ce bagage, Chung Bora rajoute une curiosité et une soif de connaissances hors norme, puisque diplômée de Yale, enseignant la langue et les lettres russes ainsi que la littérature de science-fiction, et également traductrice du russe et du polonais (une nouvelle se déroule d'ailleurs en Pologne).

Après un temps d'adaptation, à ouvrir tous mes pores émotionnels, j'ai adhéré à ces voyages dans l'imaginaire et dans un autre mode de pensée. Je me suis laissé emmener, noyer aussi, dans ces environnements atypiques, ces idées extravagantes. Dégustant cette folle liberté de ton, de vision et d'illusion. Plus ou moins selon les nouvelles, tant elles proposent des ambiances différentes.

Je suis d'ailleurs certain d'une chose, plusieurs des images générées par ces histoires sont d'une puissance telle qu'elles me resteront gravées en mémoire pour très longtemps.

Si vous cherchez, si vous osez, sortir de votre cadre habituel, ce Lapin maudit est une expérience de lecture singulière. Chung Bora est une conteuse étonnante, qu'on pourrait écouter blottis au coin de feu, pour s'évader, réfléchir ou frissonner. Il faut du talent pour raconter ainsi de telles histoires qui ne laissent aucunement indifférent.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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