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Critique de Kirzy


Chung Bora propose dix histoires courtes aussi étranges qu'effrayantes, avec une créativité qui force le respect et une volonté de déranger plus qu'assumée. Plusieurs sont d'une efficacité redoutable, posant en quelques lignes les enjeux et mettant immédiatement dans la rétine du lecteur des images difficiles à congédier.

« Elle s'apprêtait à tirait la chasse d'eau avant de sortir de la salle de bain.
Mère.
Elle se retourna. La voix qui l'appelait provenait d'une sorte de tête émergeant des toilettes.
Mère
Elle regarda un moment cette chose, sans bouger. Puis elle tira la chasse d'eau. »

Ainsi démarre La Tête. Une tête parlante que vit dans les toilettes, un être grumeleux et sensible qui s'est formé à partir des effluences corporelles de la protagoniste qu'elle reconnaît comme sa mère et dont elle attend reconnaissance.

Ouverture tonitruante, bizarre ou intrigante. Série d'épreuves et d'horreurs qui s'abat sur les personnages. Humour ironique qui place le lecteur en légère distance pour maximiser l'impact d'un épilogue brutal. Aucune rédemption. Aucune boussole morale. C'est le canevas des dix histoires qui brassent des genres littéraires très différents et défient la catégorisation conventionnelle : conte de fée, science-fiction, fable, surréalisme, fantastique, léger surnaturel, horreur ...

Dommage que les propositions soient inégales. Je n'ai pas apprécié toutes les histoires, notamment deux qui m'ont laissé complètement à quai ( le Maitre des vents et du sable, Heureux foyer ) mais quatre sont exceptionnelles d'intensité et d'évocation, incroyablement marquantes. La Tête donc, Lapin Maudit ( une lampe ensorcelée qui décime une famille d'industriels ), Les Règles de la vie ( une femme enceinte sans rapport sexuel se retrouve dans l'obligation de trouver un père ) , Les Cicatrices ( un enfant enlevé est jeté dans une grotte en pâture à une Chose qui le torture ).

J'ai souvent été dérangée dans mon confort de lectrice, perturbée, dégoûtée même par certaines images qui surgissaient tant Chung Bora écarte nos paupières pour nous obliger à regarder sans ciller les cauchemars qu'elle a imaginés. Mais même lorsque le glauque et le sordide saturent le récit, leur convocation n'est jamais gratuite.

Sorte de conte de moralité, chaque histoire revêt plusieurs niveaux de lecture pour se faire parabole moderne dénonçant les méfaits jusqu'à la cruauté de nos sociétés contemporaines. Plus particulièrement ici le patriarcat qui impose normes sociétales contraignantes aux femmes au point de les pressurer jusqu'à l'os et d'annihiler toute possibilité de contrôler de leur corps. le capitalisme aussi, dont la cupidité fait ressortir les pires penchants des personnages incapables de résister à toute corruption par appât du gain. le thème de la vengeance plane au-dessus de nombreuses histoires.

Une expérience littéraire certes inégale mais vraiment marquante, très différente de ce qu'on peut lire habituellement.
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