AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lamifranz


Quel est le plus grand fabuliste ?
La Fontaine, m'sieur.
Très bien, mon petit. Vous aurez dix sur dix en récitation. Plus un bon pour aller à la SPA chercher un chat, une belette et un petit lapin. Cela dit, c'était facile : par son enseignement léger, son aisance d'écriture et l'empathie qu'il fait naître, notre Jeannot national est bien le n° 1 des auteurs de fables. Mais qui est le n° 2 ?
Un homme politique, peut-être ?
Non, les politiques sont hors concours, pour ce qui est des fables. Remarquez, c'est bien la politique qui a tué notre homme : emprisonné pendant la Révolution et libéré in extrémis par la chute de Robespierre, il est mort des conditions de sa détention qui ont aggravé une tuberculose qui le rongeait depuis longtemps. Notre homme s'appelle Jean-Pierre Claris de Florian, et nous le connaissons essentiellement pour deux choses : ses Fables, qui rappellent celles De La Fontaine, et une chanson qui fait partie de notre patrimoine "Plaisir d'amour". Oui, c'est lui qui l'a écrite, en 1784.

Florian (1755-1794) avait conscience que La Fontaine avait placé la barre très haut. Il avait quelques une des qualités du grand fabuliste (aisance d'écriture, vision lucide du monde, une certaine empathie avec le lecteur) mais il restait quand même dans cet esprit du XVIIIème siècle plus gracieux et élégant que véritablement profond. Les morales de ses fables sont moins tranchées que celles De La Fontaine, plus douces, et plus consensuelles : " Pour vivre heureux, vivons cachés " (Le Grillon), " Chacun son métier, les vaches seront bien gardées " (Le Vacher et le Garde-chasse) " Sans un peu de travail on n'a point de plaisir" (La guenon, le singe et la noix) ou " L'asile le plus sûr est le sein d'une mère " (La Mère, l'Enfant et les Sarigues). La Fontaine, à l'occasion, pouvait se montrer ironique, ou même sarcastique, Florian ne l'est qu'à de rares occasions. Ce qui n'enlève rien toutefois, au charme de ses fables. Voyez "Le Grillon" :
LE GRILLON
Un pauvre petit grillon
Caché dans l'herbe fleurie
Regardait un papillon
Voltigeant dans la prairie.
L'insecte ailé brillait des plus vives couleurs ;
L'azur, la pourpre et l'or éclataient sur ses ailes ;
Jeune, beau, petit maître, il court de fleurs en fleurs,
Prenant et quittant les plus belles.
Ah! disait le grillon, que son sort et le mien
Sont différents ! Dame nature
Pour lui fit tout, et pour moi rien.
je n'ai point de talent, encor moins de figure.
Nul ne prend garde à moi, l'on m'ignore ici-bas :
Autant vaudrait n'exister pas.
Comme il parlait, dans la prairie
Arrive une troupe d'enfants :
Aussitôt les voilà courants
Après ce papillon dont ils ont tous envie.
Chapeaux, mouchoirs, bonnets, servent à l'attraper ;
L'insecte vainement cherche à leur échapper,
Il devient bientôt leur conquête.
L'un le saisit par l'aile, un autre par le corps ;
Un troisième survient, et le prend par la tête :
Il ne fallait pas tant d'efforts
Pour déchirer la pauvre bête.
Oh! oh! dit le grillon, je ne suis plus fâché ;
Il en coûte trop cher pour briller dans le monde.
Combien je vais aimer ma retraite profonde !
Pour vivre heureux, vivons caché.
Bien sûr, ce n'est pas La Fontaine, mais on n'en est pas très loin, ne trouvez-vous pas ?
Il y a quelque injustice dans le fait que ces "Fables" ne soient plus éditées : leur valeur intrinsèque, en dehors de toute comparaison avec La Fontaine, est bien réelle, et justifierait amplement une réhabilitation.

Commenter  J’apprécie          70



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}