Imaginez déambuler dans un palais où les salles se succèdent, où le silence rencontre l'oeil impassible des statues et où les marées affluent avant de se retirer, discrètement, en vous laissant de quoi vous sustenter. Personne d'autre que vous et un mystérieux Autre que vous ne rencontrez que deux fois par semaine à heure fixe, pendant une heure, pour lui faire votre rapport sur la cartographie des lieux, la carte du ciel et les marées.
Jusqu'au jour où l'ombre d'une troisième personne se dessine dans votre environnement. L'Autre dit qu'il s'agit d'une menace. le croiriez-vous sur simple parole ?
Un texte magnifique porté par une plume exquise.
J'ai adoré suivre Pyranèse dans ses déambulations à travers le palais, seul, face à ses doutes, à ses peurs et à sa mémoire défaillante. Je l'ai trouvé désarmant de naïveté. J'ai eu plus d'une fois le sentiment d'avoir à faire à un enfant plus qu'à un adulte. Sans doute parce que rien ne vient jamais troubler la sérénité des lieux et de son état d'esprit, à l'exception d'une marée plus violente que les autres.
Pas facile de fasciner son auditoire avec pour unique comptine, les pensées d'un jeune homme égaré. C'est là un beau tour de force de l'auteur. J'ai aimé suivre Pyranèse dans ses longs monologues intérieurs, dans son constant étonnement face à cet endroit qu'il sait qu'il ne connaîtra jamais entièrement. le dédale des salles l'intéresse, l'immensité du lieu l'impressionne, la présence soudaine d'un albatros le ravit et le pousse à l'exaltation.
Son unique confident est un cahier dans lequel il note tout ce qui lui semble utile : de la disposition des salles au cycle des marées en passant par les statues qu'il estime complices de sa présence.
Aucun souvenir de sa vie d'avant ne vient jamais le perturber même si peu à peu, il découvre d'étranges notes dans ce cahier qui l'amènent à penser qu'il pourrait ne pas être si seul que cela dans cet univers hors du temps.
Le récit offre diverses interprétations.
Pour ma part, j'ai trouvé que c'était une belle métaphore de la dépression. le palais est un lieu où les souvenirs, l'essence même d'une personnalité finit par se déliter et disparaître. Pyranese est né dans ce palais en lieu et place de celui qu'il était avant sa venue et Pyranèse est délivré de toute angoisse et de toute envie de notre société moderne. Il baigne dans une sorte de félicité même si elle est naïve et déformante.
C'est un texte qui ne conviendra pas à tout le monde tant l'onirisme et l'introspection occupent la première place. Il n'y a pas d'action (pas avant la toute fin en tous les cas) et le huit-clos peut lasser les lecteurs qui préfèrent des péripéties plus aventureuses.
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