« Envoûtant,
Piranèse nous plonge dans un monde parallèle onirique, à la beauté irréelle, rempli d'images surprenantes, tourmenté par les flots et les nuages. »
Ainsi se conclut le quatrième de couverture de ce livre.
Et je valide cette conclusion – ainsi que ce qui précède – à l'exception du premier mot : l'« envoutement » n'a pas fonctionné chez moi…
Pour tout dire, j'ai préféré arrêter les frais après les deux premiers chapitres (soit plus d'un tiers du livre), ce qui ne m'était pas arrivé depuis très longtemps.
Comment expliquer un tel fiasco ? Dans mon cas je pense qu'il y a eu erreur de casting. Certes, j'ai généralement du mal avec les mondes oniriques. Pour ce livre, j'ai voulu essayer malgré tout, séduit par l'idée originale, un univers riche en possibilités, des critiques plutôt enthousiastes, une publicité officielle apparemment élogieuse.
Les aspects positifs tout d'abord :
L'écriture, simple et sans prétention, est fluide. Très fluide. Sans elle je ne serais probablement pas allé au-delà du premier chapitre.
L'univers est original, beau, poétique, bien décrit. Il m'a plu.
Ce qui m'a déplu :
L'univers (appellé « le Monde » ou « le Palais ») est présenté comme pratiquement infini. le personnage principal –
Piranèse – consacre d'ailleurs la plupart de son temps à l'explorer. Mais, paradoxalement, on reste dans un huis clos, car on comprend assez vite que l'intrigue se résume à la confrontation entre
Piranèse et « l'Autre » (les deux seuls personnages de ces deux premiers chapitres). La valorisation de l'univers, en particulier son exploration, paraît donc artificielle. En tout cas je n'ai pas vu en quoi elle servait l'intrigue. L'univers, avec toutes ses qualités, reste ici un simple background qui malheureusement remplit les trois-quarts de ce que j'ai pu lire. À force, on finit par lire en diagonale ces interminables et innombrables descriptions de l'univers, tant elles se ressemblent et se distinguent à la fois, et tant on peine à percevoir lesquelles pourraient s'avérer importantes pour l'intrigue (manifestement, pratiquement aucune).
Je n'ai vraiment pas accroché avec les deux personnages de ce premier tiers de l'histoire.
Deux idiots, m'a-t-il semblé.
Piranèse : l'idiot naïf. Un Candide revisité ? Non. Une idée de la naïveté poussée à l'extrême, pour les besoins de la démonstration de l'autrice ? Probablement.
L'autre : l'idiot non naïf. S'il paraît au départ incarner l'intelligence, on comprend vite qu'il n'en est rien, comme à voir la façon dont il se retrouve si facilement démuni lorsque
Piranèse le met malgré lui face à ses contradictions.
Mais voilà : au royaume des aveugles, les borgnes sont rois, et un idiot non naïf peut facilement passer pour brillant devant un idiot naïf.
L'intrigue m'a encore moins convaincu. le thème de la domination mentale semble la résumer entièrement. Mais quoi de plus surprenant qu'un idiot non naïf puisse dominer un idiot naïf ? Malheureusement, il n'est question que de cela tout au long de ces 100 premières pages.
Quelques paradoxes :
- Nos deux idiots sont présentés comme des esprits « particulièrement brillants » (du moins est-ce la vision de
Piranèse, et sans doute l'Autre se trouve-t-il personnellement brillant).
- Tous deux sont présentés comme des scientifiques. La technique de narration par le journal de
Piranèse renforce cette idée. Pourtant, le cheminement de la pensée de
Piranèse, très bien décrit, n'a rien de scientifique, bien au contraire. Quant à l'Autre, c'est encore plus criant.
Au final, le trouble le plus gênant que j'ai éprouvé, c'est que je ne suis toujours pas certain de savoir s'il faut lire ce roman au premier ou au second degré. Dans les deux cas je ne trouve pas la réalisation crédible. le second degré, par exemple, serait envisageable si l'humour (ou l'ironie) était utilisé, comme dans les comédies.