AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Une pièce dont il est difficile de reconstituer la genèse : Claudel aurait commencé une première version en 1892, qu'il aurait achevée vers 1893. Mais des bribes d'une version antérieure subsistent. Cette « première version » ne sera publiée qu'en 1926 ; entre temps, à son habitude, Claudel aura retravaillé le texte pour aboutir à une « seconde version » qui paraît dans le recueil l'Arbre en 1901. La première mise en scène de l'oeuvre ne verra le jour qu'en 1944, et le texte n'inspirera que peu de metteurs en scène ensuite.

La deuxième version de la pièce est écrite à un moment charnière de la vie de Claudel, alors qu'il envisage le choix de la vie monastique qui lui sera refusée, et qu'il revient en Chine en faisant sur le bateau la rencontre de Rosalie Vetch, la femme de sa vie, avec qui il vivra pendant quelques temps une passion adultérine, et qui lui inspirera un certain nombre d'oeuvres, dont le soulier de satin. La question de la foi est devenue centrale dans la vie de Claudel, et encore plus la façon de vivre cette foi. L'interrogation du rapport à Dieu sera essentielle dans La jeune fille Violaine.

Dans le premier acte, Pierre de Craon, un ingénieur, vient la nuit dans la maison des Vercors. La fille aînée, Violaine, l'entend et vient à sa rencontre à la fenêtre. Ils se sentent très proches, ils évoquent le prochain probable mariage de Violaine avec Jacques Hury, et Pierre communique à Violaine sa conviction que l'amour s'accomplit dans le don de soi, à l'imitation du Christ. La jeune soeur de Violaine, Mara, surprend le baiser que Pierre dépose sur la joue de Violaine en guise d'adieu. Anne Vercors, le père de Violaine, annonce à son épouse qu'il part pour les Etats-Unis, suite au décès de son frère, pour prendre en charge sa famille. En attendant, il a décidé le mariage de Violaine avec Jacques, qui doit avoir lieu immédiatement. Son épouse tente de le retenir, et de le dissuader de ce mariage : Mara, la soeur de Violaine, est amoureuse de Jacques. Mara, qui a entendu la conversion, adjoint à sa mère d'aller voir Violaine pour la dissuader du mariage, en la menaçant de se suicider s'il a lieu. Anne revient avec Jacques, Violaine exprime son accord pour le mariage.

Au deuxième acte, après le départ du père, la mère a parlé à Violaine de la menace de Mara. Mara laisse entendre à Jacques que Violaine a eu une intrigue amoureuse avec Pierre de Craon, en évoquant le baiser. Violaine annonce à Jacques son souhait de rompre le mariage, il lui fait des reproches sur son supposée infidélité, mais se déclare prêt à l'épouser quand même. Elle refuse toujours. La mère, apprenant la perfidie de Mara, est prête à dénoncer ses manigances, mais elle a une attaque. Mara fait signer à Violaine un renoncement à son héritage, la rend aveugle en lui jetant de la cendre du foyer dans les yeux et la chasse de la maison.

Au troisième acte, Mara, avec son petit garçon né aveugle, cherche à retrouver Violaine, supposée faire des miracles. Cette dernière vit dans les bois, dans une misère extrême. L'échange entre les deux soeurs tourne au dialogue de sourds, Violaine proclame l'importance de la foi, son rapport à Dieu, le rôle purificateur de la souffrance, alors que Mara n'escompte qu'un bénéfice matériel et trivial. Mais Violaine finit par guérir Aubin, le fils de Mara.

Au quatrième acte, nous sommes de nouveau dans la maison des Vercors, Mara vient de rentrer, après avoir, pense-t-elle, tué Violaine. Mais Pierre de Craon arrive avec Violaine sur une civière, mourante. Violaine a un échange avec Jacques, et lui raconte ce qui s'est passé. Il lui reproche de ne pas l'avoir aimé suffisamment pour lui avoir avoué la vérité à l'époque, et l'avoir laissé épouser Mara. Violaine lui parle de sa foi, et pardonne à Mara. Elle souhaite partir, pour mourir seule. Anne Vercors revient, Jacques lui raconte les faits. Pierre de Craon annonce la mort de Violaine. Il explique son changement de vocation d'ingénieur en architecte, architecte d'une église, mystique et métaphorique qu'il décrit longuement.

Le récit de la pièce s'apparente au mélodrame, et aussi au conte, avec le motif des deux soeurs, une bonne et l'autre mauvaise et égoïste. Mais le texte se nourrit des lectures théologiques faites par Claudel à l'époque (en particulier St Augustin) et transforme le mélodrame et le conte en une méditation sur le divin. Mara devient ainsi le mal nécessaire, celui qui permet à Violaine de vivre avec Dieu, et de réaliser sa sainteté, symbolisée par la guérison qu'elle opère sur Aubin. le pardon final est donc une évidence. Se superposent Violaine retirée dans la forêt, la cathédrale mystique de Pierre de Craon, l'Epouse élue du Cantique des cantiques, et l'Église. le retrait dans la souffrance, la pauvreté  et la solitude est le chemin qui mène à Dieu, et quelque part à la réalisation de l'individu, qui par le renoncement arrive à la plus grande des richesses et des félicités.

Très poétique et lyrique, le texte de cette pièce est somptueux.
Commenter  J’apprécie          170



Ont apprécié cette critique (14)voir plus




{* *}