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Critique de 5Arabella


Claudel a écrit la première version de cette pièce à la fin du XIXe siècle, alors qu'il se trouvait aux USA, au début de sa carrière diplomatique. Elle paraîtra en 1901 dans le recueil l'Arbre. Il va la remanier dans les années 50 du vingtième siècle, pour Jean-Louis Barrault qui souhaitait la monter. Elle avait déjà été jouée : dès 1914 Jacques Copeau la monte eu Théâtre du Vieux Colombier, et elle avait connue ensuite plusieurs autres mises en scènes.

Nous sommes sur la côte est des Etats-Unis, au bord de la mer, dans la propriété d'un riche homme d'affaires, Thomas Pollock Nageoire. La propriété est surveillée par Louis Laine, un métis Indien. Il a épousé en France une jeune femme, Marthe, qui l'a suivi jusque là, mais elle est inquiète, elle a peur qu'il ne la quitte. le propriétaire arrive, avec une jeune femme, peut-être son épouse, Lechy Elbernon, une actrice. Une liaison se noue entre Louis et Lechy. Thomas est fasciné par Marthe ; il propose à Louis de l'argent pour qu'il l'abandonne. Louis finit par accepter. Lechy se moque de Marthe et lui révèle sa liaison avec Louis. Mais Louis revendique avant tout sa liberté, et s'apprête de partir seul. Lechy le menace, ce qu'il ignore. Lechy va le faire tuer, et incendie la maison de Thomas, ce qui provoque sa ruine. Marthe rend l'argent que Thomas avait donné à Louis et prend en charge ses obsèques.

Une pièce relativement sobre et dépouillée, avec seulement quatre personnages, loin des foisonnements baroques habituels de Claudel. Il a peut-être été inspiré par les traductions d'Eschyle qu'il faisait au moment de la rédaction de la pièce. Mais Claudel entrecroise, comme à son habitude, plusieurs niveaux dans la pièce. Une sorte de sordide vaudeville, entre adultère, et surtout la vente de Marthe par Louis, la description d'une société mue par l'argent, le goût du profit rapide, l'attribution d'une valeur marchande à tout, y compris aux êtres, un meurtre provoqué par la jalousie. Mais aussi un questionnement sur les valeurs : celles de l'argent opposés à quelque chose de spirituel, qui échappe au matérialisme grossier. Thomas ressent comme un obscure besoin d'échanger son monde matérialiste contre autre chose, que symbolise Marthe. C'est au moment où il perd tout, dans l'incendie, qu'un rapprochement avec Marthe peut s'esquisser. Louis qui aspire à la liberté, qui refuse tout lien, finit par périr victime de ce qui ressemble davantage à une tentative de fuite qu'à une libération. le seul personnage inébranlable, fidèle à elle-même du début jusqu'à la fin, est Marthe, qui dans son aspiration à servir, trouve la vraie liberté.

Claudel, dans une lettre à Marguerite Moreno, indiquait qu'il était d'une certaine façon les quatre personnages de la pièce, les facettes contradictoire de sa personnalité et de ses aspirations, s'opposant dans l'opposition des quatre protagonistes. On trouve à la lecture une sorte de complémentarité dans le quatuor, une polyphonie qui s'unit. Bien sûr, comme dans les autres oeuvres de Claudel, nous ne sommes pas dans une description psychologique, les personnages sont plus des métaphores, des idées qui s'opposent et se complètent que des véritables êtres de chair et de sang, mais néanmoins, l'Echange est plus proche d'un récit avec une intrigue qui adopte des schémas familiers au lecteur et spectateur. Associé à la relative sobriété évoquée précédemment, cela rend sans doute la pièce plus facile à représenter que d'autres pièces de l'auteur.
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