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Critique de Sachenka


Le chagrin des Belges, c'est une histoire sur l'Occupation allemande, encore, une énième. Seulement, celle-là, je l'ai trouvée originale. de mémoire, je n'avais rien lu de semblable. D'abord, pas de combats ou très peu, l'intrigue se déroulant loin du front, dont les personnages n'obtenaient des nouvelles qu'à travers les médias. Et les rumeurs. de toutes façon, elle ne constitue pas le moteur de l'intrigue, mais plutôt un élément inévitable pour aborder un moment crucial de la Belgique. Parce que, évidemment, avec un titre pareil, ça ne peut se passer que dans le Plat Pays. Ça aussi, c'était nouveau, mais j'y reviendrai plus tard. Ensuite, la situation juive n'y est abordée que superficiellement. Bien sûr, il est impossible de passer complètement à côté de ces Juifs pourchassés et de l'Holocauste mais ils tiennent un rôle plutôt secondaire. Donc, c'est avec beaucoup de curiosité que je me suis lancé dans cette oeuvre magistrale de Hugo Claus.

En introduction, j'écrivais que c'était une énième histoire sur l'Occupation mais, en même temps, ce n'est pas vraiment ça. La première partie du roman, le chagrin, commence au milieu des années 30 et se dirige tranquillement vers la fatidique année 1939. Il n'y est pas vraiment question de guerre, c'est essentiellement un roman d'apprentissage. le jeune Louis Seynaeve se promène entre le pensionnat chez les soeurs, où il poursuit son éducation, et sa famille. Une enfance qui paraît ordinaire, passionnée par la lecture, d'où une imagination débordante, mais pas si innocente : avec ses amis, Louis forme une société secrète pour résister aux règles sévères de son établissement. Les rumeurs d'un conflit imminent ne l'effraient pas vraiment. En fait, le pire danger pour ce jeune coeur sensible est le monde des adultes qui l'entourent. Bien malgré eux…

Pourtant, quand la guerre arrive et que les Allemands occupent la Belgique, les choses ne semblent pas aller si mal. On remarque très peu les nazis, qui ne sont ni méchants ni cruels. Les Flamands se chargeront eux-mêmes de le devenir… Ainsi, la deuxième partie du roman s'intitule assez pertinemment Les Belges. Elle se déroule de 1939 à 1947. Louis n'est plus un enfant mais un adolescent, et il voit ses parents, son grand-père paternel, sa multitude d'oncles et de tantes, tout le voisinnage, même certaines religieuses, se retrouver au milieu de conflits moraux. Ils agissent par lâcheté, pragmatisme, cupidité, perversion, stupidité et entêtement. Ils collaborent avec l'ennemi et plusieurs de ceux qui refusent de le faire agissent par mesquinerie et non par conviction. Et Louis, en fin observateur, ne pose pas de jugement. Je suppose que c'était important pour Hugo Claus.

Ainsi, l'Occupation n'est qu'un prétexte. Oui, elle amène le lecteur à se poser plusieurs questions d'ordre existentiel, voire moral. Toutefois, elle permet surtout de mieux comprendre les tensions qui divisent son pays natal, la Belgique, et les revendications nationales flamandes qui sont expliquées en détails par l'auteur. Sans top de lourdeur, heureusement, du moins si le lecteur ne s'embourbe pas avec les entités politiques, acronymes et personnalités locales. En ce sens, le bouquin appartient également au genre du roman historique.

Je termine ma critique sur deux remarques. La première, Louis, devenu adulte, se lance dans l'écriture. Puisque les dates de naissance du jeune homme coïncident avec celles de l'auteur Hugo Claus et que certains éléments de l'histoire semblent coïncider avec sa vie, on peut supposer que le chagrin des Belges et, ne serait-ce que partiellement, autobiographique. J'ai fait quelques recherches qui corroborent un peu cette hypothèse. Cela explique le réalisme (jusque dans les moindres détails) et la densité du roman. Surtout, et c'est ma deuxième remarque, on vantait la richesse de son vocabulaire et la virtuosité avec laquelle l'auteur maniait les niveaux de langue en néerlandais, en particulier à travers les dialogues. Je suppose qu'une partie se perd dans la traduction, même si celle-ci était excellente. Bref, un oeuvre incroyable à tous les niveaux.
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