AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soleney


Voilà bien deux ans que je n'avais lu cette série ! Je ne l'avais même pas terminée, d'ailleurs – non pas parce que je ne l'aimais pas, mais parce que c'était une période où je le lisais presque plus (triste époque…). Je me rappelle avoir été tenue en haleine par le suspense, les rebondissements, l'action et le surenchérissement du gore. J'avais aussi été séduite par les personnages, qui me paraissaient poignants et réalistes. En bref, c'était une série qui faisait partie de mes coups de coeur !
Mais mon avis a quelque peu changé au vu de cette relecture…

Tout d'abord, on rentre très facilement dans l'histoire car on commence avec un préambule adressé au lecteur – mais un lecteur fictif, qui serait assis sur les bancs d'une Académie en train d'étudier ce document prétendument dangereux et proscrit. La première phrase est très accrocheuse : « L'auteur est un menteur. ». S'en suit l'image d'un parchemin réclamant date et signature, attestant de la responsabilité dudit étudiant envers cet exemplaire et dédommageant l'école de tout problème annexe. Une belle entrée en matière, originale et prenante !
James Clemens reste dans cette visée avec son prologue, où il fait parler un vieux scribe contraint de relater cette histoire. Il promet de sombres prophéties (très exaltantes !), de grands royaumes en péril et beaucoup d'action et de noirceur… le mystère est épais et est le principal moteur de la lecture. Qui est le personnage dont il parle ? Comment peut-elle être à la fois maléfique et bénéfique ? Comment peut-elle « avaler l'âme du monde » ? Pourquoi son histoire est-elle devenue taboue ?

Toutefois, passé ce début si bien travaillé, on s'ennuie un peu. L'action prend quelques dizaines de pages à se mettre en place, car on voit doucement apparaître le début de la fin pour la jeune Elena. La menace point lentement, trop lentement…
Ensuite, tout s'accélère. Une fois les forces obscures sur les lieux, on n'a plus le temps de s'ennuyer ! L'auteur a la particularité d'être plutôt cru dans ses descriptions, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne ménage pas ses personnages – qu'ils soient humains ou animaux (pauvre Émouchet…) ! Les méchants sont réellement haïssables (et très moches, merci les descriptions), à tel point qu'on ne peut que se poser une question… Comment cela se fait que la population actuelle puisse croire les manuels d'histoire, qui disent que le seigneur du Gul'gotha les a sauvé de l'obscurantisme et de la magie sauvage et leur a apporté les lumières de la civilisation ? Les créatures qui le servent sont tellement repoussantes et malfaisantes que c'est impossible de gober cela.

Finalement, mon avis a surtout changé sur le style de l'auteur et les personnages. Il y a deux ans, j'avais adoré la manière d'écrire de James Clemens, qui m'emportait de rebondissements en rebondissements sans me laisser reprendre haleine. Maintenant, j'estime qu'il n'a pas une plume particulièrement frappante : ni très bonne, ni vraiment mauvaise. Il emploie souvent des expressions clichées qui m'agacent par leur redondance (nombreuses sont les « larmes solitaires » qui roulent sur la joue d'Elena). Mais les pages se tournent toutes seules car l'histoire avance vite. Son point fort, c'est donc l'action et le suspense.

Son point faible : les personnages… Je les avais aimés, et maintenant je ne les trouve pas vraiment attachants à cause de leurs stéréotypes. Er'ril, par exemple, est l'icône du guerrier ma(n)cho et solitaire qui cache un coeur d'or et de grandes blessures. Nee'lahn, en accord avec sa nature nymphique, est une hippie fan des arbres et de l'écologie, et Kral est un véritable chevalier en armure, bâti comme une armoire à glace et pétri du sens de l'honneur. Elena, quant à elle, n'est pas très crédible car elle alterne entre un caractère fort et volontaire, et un comportement très craintif. Elle m'a plusieurs fois agacée à cause de ses atermoiements. Mycelle, pour sa part, m'a hautement énervée quand elle rencontre les six héros. Elle les prend de haut, s'adresse à eux comme s'ils devaient lui obéir et ne daigne même pas répondre à leurs questions. Son seul objectif : sauver Elena. Les autres n'en valent pas la peine. Il me semble cependant qu'elle sera amenée à changer au fil de leurs aventures...

Maintenant je le réalise, c'est un univers très manichéen : les méchants sont comme ça parce que c'est dans leur nature – et en plus, ils sont vraiment très très laids – et les gentils sont remplis de bonnes intentions, bons jusqu'à la moelle. Aucun protagoniste n'est ambigu, aucun n'a sa part d'ombre, son défaut. Même Mogweed, qui à première vue aurait pu être le personnage le plus intéressant de l'équipe, perd de sa profondeur et se révèle n'être qu'un trouillard doublé d'un lâche et triplé d'un égoïste. Il n'est caractérisé QUE par la peur qu'il lui arrive quelque chose de douloureux et se cache derrière ses compagnons, telle une craintive sangsue.
Rockingham, finalement, est le seul pour lequel j'ai éprouvé un peu d'intérêt : son passé est mystérieux, on se rend compte qu'il est une marionnette du Seigneur Noir, et que ce dernier lui a confié (ou plutôt imposé) plein de pouvoirs très glauques dont il n'est pas forcément conscient, et sans que l'on sache pourquoi… Il y a encore du mystère à lever sur lui.
Mais le pire, c'est que les opposants se complaisent dans les horreurs qui grouillent autour d'eux et en eux : « Un long ver noir s'extirpa de la plaie purulente sur la joue de Ryman. Des centaines d'autres l'imitèrent, rampant hors de leur terrier de chair. Frappé d'émerveillement, Mycof admirait la beauté de son frère, des larmes plein les yeux. La peau nue de Ryman était festonnée de centaines de créatures qui se tordaient comme des tentacules de ténèbres. Mycof savait que son corps servait de réceptacle à un miracle identique. » Ils sont tous comme ça, et au bout d'un moment, on aimerait bien un peu de variété. Un peu de réalisme, aussi.

Cette forte opposition entre le bien et le mal se poursuit jusque dans les lieux ! Val'loa, l'ancienne capitale de la magie, est décrite comme étant une cité de lumière, une ville parfaite comme jamais on n'en a fait. Des tours merveilleuses qui se dressent vers le ciel, des statues, des ponts, des arcs : une oeuvre d'art. Et la planque de la confrérie des devins fait toujours battre leurs coeurs un peu plus vite à cause de l'émotion que cause sa beauté, même après vingt ans… Noircastel, en revanche, est pire que le château de Maléfique dans La Belle au Bois dormant. Sans cesse résonnent les cris des damnés, des créatures rampantes et répugnantes y circulent, les pires horreurs y ont lieu… Je repose la question : comment les envahis peuvent-ils croire deux secondes que ce Seigneur Noir a apporté la lumière dans leurs contrées ?

Certaines choses méritent cependant d'être valorisées, comme les règles qui concernent la magie. le mieux, c'est qu'il n'y en a pas qu'une, mais plusieurs. le Chi, considéré comme supérieur, est une magie sanglante qui ne touche que les hommes ; les magies élémentaires, souvent méprisées, touchent à l'un des quatre éléments et la magie noire des envahisseurs est le pendant négatif du Chi. La magie des sor'cières, qui n'a pas encore de nom, ressemble énormément au Chi mais s'en distingue par le fait qu'elle concerne les femmes, qu'elle leur accorde plus de pouvoir, mais qu'elle est largement moins répandue. Cette différence entre les hommes et les femmes, non seulement dans la société mais aussi face à la magie, entraine une dévalorisation de la féminité. Les hommes qui manipulent le Chi sont respectés, mais les femmes qui ont une main ensanglantée sont vues comme des putains (il n'y a qu'à voir la réaction d'Er'ril pour comprendre). Elena est donc obligée de se faire une place, de prouver que ce n'est pas parce qu'elle est une jeune fille qu'elle est faible et fragile et de montrer que les sor'cières ne sont pas maléfiques (pas plus que les hommes). Ces préjugés rejoignent ceux de notre Moyen Âge – à sa décharge, Er'ril vient d'une autre époque.


J'apprécie également la présence de la carte dans ce deuxième volume. J'avoue que cela me manquait dans le premier. En revanche, je n'ai vu nulle part une indication de l'emplacement du verger, où débute l'histoire. Pourtant, il est décrit comme étant très grand.

Au final, c'est une série qui, malgré ses défauts, est divertissante. On n'a jamais vraiment le temps de s'ennuyer car les rebondissements sont nombreux, le suspense est souvent présent et l'action est toujours au rendez-vous. J'ai apprécié, mais cela ne fait pas partie de mes coups de coeurs.
Commenter  J’apprécie          51



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}