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Citations sur Polaris (15)

La salive comme l’urine et la sueur vieillissent avec nous, nos jus s’encrassent et fermentent. Le temps y dépose tous nos malheurs et nos vices, c’est la sentine du navire, les nuits blanches et les cauchemars s’y déposent aussi. Or ces baisers de María Aparecida étaient tout le contraire, ils avaient le goût de mes premiers baisers, goût de savon et de collège, de carrelage propre, de fêtes de nos enfances : et d’espérance. La jeunesse, c’est toujours l’avenir, la puissance au-dessus de la lourdeur de l’immanence que nous confèrent les années. Nous avons dû rester sous ce porche presque jusqu’à l’aube. Je lui ai juré que je reviendrais sans tarder pour qu’elle devienne ma femme, je ne sais pas si elle m’a cru, mais elle avait toujours ce rire effréné qu’elle avait déjà le matin de cette rencontre. J’ai insisté, je ne l’oublierais jamais, je l’ai embrassée encore plus fort, je crois que nous avons pleuré tous les deux en nous séparant.
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La mer nous rend plus réservés, peut-être qu’alors l’homme est plus homme que jamais, voilà pourquoi c’est insupportable. Adieu l’empathie, les bonnes manières, et tous les attributs qui font de nous un être social. Tout le monde ne pense pas comme vous, docteur. Un bateau est un lieu où l’on travaille coude à coude, il y a des grades et des codes, un monde à l’intérieur d’un monde qui vous est étranger. Il y a aussi de la souffrance, mais c’est un lieu propice à l’amitié et à la camaraderie. Je ne le vois pas sous cet angle.
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Pourquoi aimez-vous tellement les cartes, docteur ? Elles nous permettent d’anticiper ce que nous allons voir, de même que le portrait d’une personne nous permet de la reconnaître ensuite avec plus de profondeur. Sur une carte, tout y est : elle imite la surface du territoire de la même façon que la peau irrite notre contour. Les plans ont des rides et des cicatrices, ils ont du caractère, ils montrent les profondeurs et les tiédeurs d’un lieu. Cette représentation a la même vie que l’objet représenté : elle tremble avec le froid, avec l’incertitude. Je suis médecin, et quand j’étudie une radio, je ne vois pas seulement des ombres. Je peux y voir la personne ; je reconnais sa douleur, ses limites, comment ses souffrances sont représentées sur cette image. Le plan a la même fonction. Il n’est pas seulement l’imitation d’un territoire, c’est l’imitation de l’homme, des formes de l’univers entier, sa synchronie et le chaos, tous les extrêmes de ce que nous connaissons se reproduisent dans les couleurs et les courbes de niveau.
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J’avais lu les premières en diagonale et un détail m’était resté. Je l’ai retrouvé, en bas de la première page : en 1917 et en 1920 deux tempêtes rasèrent l’île et tuèrent cent vingt-cinq pêcheurs qui travaillaient sur ces côtes. J’imaginai un instant cette terrible tempête d’antan, et les derniers pêcheurs enfermés dans leurs abris, serrés les uns contre les autres comme du bétail, dans le noir, morts de peur. Je tremblais, j’en avais la chair de poule, j’avais ma dose. Ce que je lisais ne m’aidait pas à me lever, bien au contraire, je n’avais aucune envie d’aller dans un lieu plus perdu que Fugloy ou que ce pré de Crête, ou plus perdu que n’importe quel endroit où la mort était déjà, car le lieu importe peu, le lieu le plus solitaire du monde se remplit de mort si l’homme y débarque. Il suffit de voir ce qui s’est passé sur cette île maudite, sur ce bateau. Nous transportons notre ruine sur le dos.
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Le disque, plus abrasif qu’une meule, grinçait de vieillesse dans l’émission, parfois on oubliait que la radio était allumée, mais il suffisait de penser à elle ou de tendre l’oreille et la mélodie revenait, comme un chien fidèle, comme le ronflement d’un moteur, comme un cœur en ébullition au milieu du silence. La radio était un nid de guêpes qui servait à nous rappeler que nous étions vivants, que nous avions eu une vie antérieure, que nous avions entrevu le bonheur à un certain moment. Je me recouvris et me retournai, je me sentais fatigué, mais j’avais aussi l’impression qu’il ne serait pas facile pour moi de m’endormir.
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Il fallait que j’oublie cette histoire, mais en remettant les mains dans les poches, je retrouvai le contact de la lettre. Elle était là. C’était l’objet qui reliait cette folie à la réalité. Je respirai un grand coup. Le mieux était peut-être de la prendre pour un délire, de la réduire à un souvenir confus, de la tuer pour vivre avec. Ce n’était pas très difficile, je me sentais souvent perdu, mais je savais que la foi m’en donnerait la force, elle me viendrait, comme cela m’était déjà arrivé dans des situations extrêmes.
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L’horreur peut aussi bien apparaître sur un îlot désolé que sur un bateau. La peur aussi, et cette peur engendre la cruauté.
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La cruauté est la douane de l’intelligence. L’homme porte la douleur et le délire comme une plaie, il peut les développer dans un lieu aussi anodin que celui-là, un lieu qui ne transmettait que solitude et ennui.
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Toute vie est pleine d’îles d’horreur : la douleur, nous la trouvons partout, en toutes circonstances, même la plus anodine contient quelque chose qui nous y mène. La mémoire elle-même semble toujours davantage braquée sur la douleur que sur le plaisir. Le souvenir le plus doux, filtré par le temps, produit de la nostalgie, cette version allégée de la douleur. Le souvenir est un loup sous le pelage d’un agneau. Le lieu le plus banal de la terre cache une tragédie.
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Les voisins avaient une fille dont j’étais amoureux. Elle devait avoir deux ans de plus que moi, elle s’appelait Kristine, sentait le savon, et son sexe devait être roux, comme ses cheveux.
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