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Critique de Daniel_Sandner


Retour de lecture sur “Scènes de la vie d'un jeune garçon” un roman autobiographique de l‘écrivain sud-africain John Maxwell Coetzee, écrit en 1997. Cet auteur a été lauréat du prix Nobel de littérature en 2003 et ce livre fait partie d'une trilogie nommée “Une vie de province”. Il y raconte son enfance de jeune Afrikaner, dans la classe moyenne des années 50 en Afrique du Sud, lorsqu'il avait environ 10 ans et qu'il habitait dans un lotissement de Worcester, une ville à 150 km du Cap. Une époque où la vie était plutôt rude, empreinte de beaucoup de violence, que ce soit au sein des familles ou à l'école à travers les châtiments corporels. On a grâce à ce roman une très belle peinture de ce que la vie a été dans ce pays, on voyage ainsi à travers son enfance dans différents lieux, entre son lotissement bien triste et la vie dans la ferme de son oncle, éleveur de moutons dans la campagne sud-africaine. Un pays particulier dont on découvre la fragmentation à travers les yeux de cet enfant qui ne comprend pas forcément la logique de la classification de ses habitants, entre leur couleur de peau: les noirs, les métis, les blancs, leur langue: l'afrikaans et l'anglais, leur religion: les catholiques, les protestants, les juifs. On plonge ainsi dans la vie intime de ce garçon avec ses secrets et ses angoisses. C'est un élève brillant et docile à l'école, despote et irascible à la maison, qui se cherche, entre un père qui ne lui inspire que de l'indifférence et qu'il méprise presque, et sa mère, qui est son repère principal dans la vie en raison de l'amour inconditionnel qu'elle lui porte. Les moments passés dans la ferme familiale sont décrits de manière particulièrement touchante, l'auteur arrive parfaitement à nous faire ressentir la joie et le bonheur immense qu'il y a vécu, ce sont ses plus beaux souvenirs d'enfance, mais il n'oublie pas d'un autre côté les ressentiments qu'il a gardé envers la famille de son père qui gérait cette ferme, qui n'a jamais vraiment accepté sa mère, et qui l'accueillait toujours de manière très froide. Coetzee nous fait là un descriptif très touchant et plein de pudeur de son enfance avec un réalisme très surprenant. Alors que le contexte est tout de même assez particulier, on peut retrouver des sensations et des manières de penser ou de fonctionner de notre propre enfance, qu'on avait totalement oubliées. Il y a une universalité dans ce roman qui nous renvoie vers le désarroi que nous avons nous même pu ressentir devant la complexité du monde des adultes et notre nécessité de le comprendre, de nous y intégrer. le tout est très intelligemment construit, découpé en 19 chapitres qui sont autant d'étapes dans le parcours initiatique de cet enfant, avec certains chapitres particulièrement forts notamment lorsqu'il parle de son père qui représente l'échec et qui finira dans une déchéance totale. le tout est raconté à la troisième personne du singulier avec un “il” qui met de la distance et rappelle que cela a été écrit par un adulte qui a maintenant dépassé tout cela. Ce regard porté sur le monde des adultes, avec une fausse naïveté, est particulièrement subtil, il montre toutes les contradictions et incohérences que peut avoir ce monde vu d'un enfant. C'est au final une biographie particulièrement réussie. On ne peut pas vraiment qualifier ce livre de chef-d'oeuvre, le sujet abordé s'y prête difficilement, mais c'est néanmoins un très beau livre, très touchant et intelligent. On sent dans ce récit très clairement la patte d'un grand écrivain, avec une plume précise de très grande qualité. J'ai hâte maintenant de la découvrir à travers une de ses oeuvres de référence.

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"Pendant des jours et des jours après ce samedi, il ne peut chasser cette image de sa mère qui attend patiemment dans la chaleur accablante de décembre, pendant que lui, sous le chapiteau se fait divertir comme un roi. Son abnégation, son amour aveugle, total, pour lui et son frère, mais pour lui en particulier, le met mal à l'aise. Il voudrait qu'elle ne l'aime pas tant. Elle l'aime de façon absolue, il faut donc qu'il l'aime de façon absolue: voilà la logique qu'elle lui impose. Jamais il ne pourra la payer de retour pour ces torrents d'amour qu'elle déverse sur lui. L'idée d'avoir toute sa vie à porter le fardeau d'une dette d'amour le laisse interdit et le met en rage au point qu'il ne veut pas l'embrasser, refuse de se laisser toucher par elle. Quand elle se détourne en silence, ulcérée, il endurcit son coeur contre elle résolument, et se refuse à céder."
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