J'ai l'impression d'être un diapason qui vibre d'un désir de violence inédit.
C’est plutôt une plénitude, le sentiment réconfortant qu’il y a un ordre du monde, la confirmation ferme d’une structure fondatrice, un ordre si palpable que quand j’atteins le bout de la rue et que je vois, à ma droite, la sortie du labyrinthe qui me ramène à l’agitation habituelle de la ville, je ne suis pas vraiment tenté de continuer. Mais en même temps je sais que ce n’est pas possible de rester.
Il y a de la dignité dans cette ruelle, avec ses caniveaux et ses toits de tôle rouillée. Ici, on ne prêche rien. Ses habitants se contentent de servir la vie en assurant aux morts une traversée paisible, et leur travail complexe est visible puis enfoui à jamais. C’est un endroit familier et inquiétant, ce ponton de Charon, mais aussi d’une pureté exaltante. Exaltante, mais pas exactement joyeuse
Au Nigéria, il existe une énorme pression sociale et culturelle qui oblige à prétendre qu’on est heureux, même quand on ne l’est pas. Les gens malheureux, telles ces mères endeuillées qui manifestaient, sont balayés, relégués hors champ. C’est mal d’être malheureux. Mais ce n’est pas nécessaire de se perdre dans les détails quand on peut se contenter de l’idée générale.
Pour beaucoup de Nigérians, donner ou recevoir des pots de vin, pourboires, sommes extorquées ou aumônes – la distinction est poreuse – n’est pas envisagé en termes moraux. C’est perçu soit comme une contrariété mineure soit comme une bonne occasion. Une façon de faire avancer les choses, ni plus ni moins : c’est bien à ça que sert l’argent.