Essai sur le Décor naturel Américain

Pour combattre l'idée européenne selon laquelle l'Amérique manque d'histoire et son paysage de passé, Cole ne se prive pas de faire appel, à propos de la vallée de l'Hudson et surtout du lac George, à la mémoire des guerres franco-anglaises du 18e siècle et, dans une allusion transparente, au roman de son ami Cooper, Le dernier des Mohicans (lequel poursuivait dans cette fiction historique un objet très similaire).

Dans la forêt américaine, nous trouvons des arbres qui sont dans toutes les phases de la vie et de la décomposition végétales - le frêle arbrisseau s'élève à l'ombre de l'arbre majestueux et le géant, à la fleur de son âge, se dresse à côté du patriarche chenu du bois - au sol gisent prostrées des files pourrissantes qui agitaient autrefois leurs cimes verdoyantes dans le soleil et dans le vent. .......
On retrouve dans de nombreux tableaux de Cole, notamment au premier plan, ces motifs pittoresques de souches, d'arbres abattus et de branches tordues.

Pourpre, or et argent : les couleurs du ciel de Cole, mises en valeur dans nombre de ses toiles, sont empreintes d'une double connotation impériale et théâtrale qui s'accorde au rôle éminent du ciel dans l'analyse du décor américain. Dans plusieurs tableaux de Cole, comme The Oxbow, un ciel d'orage figure, comme la tempête shakespearienne, le cours inexorable de l'Histoire.

Ce n'est pas seulement l'été que les ciels américains sont beaux ; car souvent le soir d'hiver arrive drapé de pourpre et d'or dont le soleil déclinant les bosquets givrés scintillent comme sous une averse de diamants - et à travers le ciel crépusculaire, d'innombrables étoiles brillent d'une lumière plus pure que n'en connait jamais l'été.

Pourquoi la terre a-t-elle été créée si belle, ou le soleil est-il si revêtu de splendeur à son lever et à son coucher, lorsque tout pourrait être dépouillé de cette beauté sans que cela ne touche la multitude insensible, pourvu que ses membres soient "éclairés dans leurs projets"

La poésie et la peinture subliment et purifient la pensée, en saisissant le passé, le présent et l'avenir - elles donnent à l'esprit un avant-goût de son immortalité et le préparent ainsi à jouer un rôle élevé au milieu des réalités de la vie.