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Critique de fabienne2909


Charlotte, Anne et Emily Brontë, tout le monde connaît ces noms comme étant ceux de trois autrices prodiges du XIXe siècle, et qui ont laissé à la postérité autant d'oeuvres fortes… Mais qui étaient ces trois soeurs dans la vie réelle ? On ne le sait pas précisément, celles-ci n'ayant pas laissé beaucoup de traces. C'est ainsi que Rowan Coleman, sous le pseudonyme hommage de Bella Ellis, comble les trous dans leur biographie en les imaginant détectrices en herbe, mettant leur vive intelligence au service de la vérité et de la justice par l'élucidation de mystérieuses affaires.

Dans ce premier tome, les soeurs Brontë s'intéressent au cas étrange d'Elizabeth Chester, une jeune mère dont la gouvernante, Matilda French, ne retrouva un matin aucune trace physique, hormis une mare de sang. Où a pu disparaître Elizabeth, elle qui était si attachée à ses enfants qu'elle n'aurait jamais pu les abandonner ainsi ? Par amitié pour Matilda, que Charlotte a bien connue lors de leurs études au terrible pensionnat de Cowan Bridge, par curiosité intellectuelle, les soeurs étant toutes revenues sans autre occupation que leurs projets de romans au presbytère de Haworth, soit par volonté, soit par obligation — Anne ayant dû démissionner de son poste de gouvernante à cause de son frère Branwell, occupé à fricoter avec la maîtresse de maison —, elles se lancent dans l'élucidation de ce mystère.

Quand j'ai vu ce joli roman à la couverture bleue, aux fleurs et au titre stylisé métallisés, quand j'ai lu la quatrième de couverture, je m'attendais à tomber sur un cosy mystery sympathique, avec des héroïnes auxquelles j'allais forcément m'attacher facilement parce que je les connais (et les aime) déjà, et qui allaient connaître des aventures un peu lambda. Bref, je craignais un peu le coup marketing littéraire, dans le style des aventures de Jane Austen (que je n'ai pas lues, on me pardonnera d'être un peu méfiante).

Alors, verdict ? Hé bien, je ne ferai pas durer ce suspense absolument insoutenable en disant que force est de constater que j'ai vu dans ces « enquêtes des soeurs Brontë » un formidable hommage à Charlotte, Anne et Emily ainsi qu'à leurs oeuvres.
En effet, on se retrouve dans un roman plutôt sombre, qui rend assez bien l'atmosphère souvent lugubre et désolée de la lande à côté de laquelle les soeurs vivent et aiment — surtout Emily — se promener. Si l'enquête est classique, et n'est au final pas l'attrait principal du livre, elle est cependant bien menée, malgré quelques longueurs, et avec des rebondissements plutôt bien construits, plongeant parfois dans un fantastique un peu déroutant car pas très crédible, mais qui s'insère malgré tout assez bien dans l'histoire.

Ce que j'ai aimé, en revanche, c'est le soin que l'autrice a pris, preuve de son affection à l'égard des soeurs Brontë, pour faire de chacune un personnage à part entière, avec son caractère propre, ses qualités, ses défauts, les faisant paraître si humaines et plus vraies que nature. A montrer aussi l'agacement (et une certaine rivalité) que Charlotte pouvait ressentir envers Emily, et réciproquement, mais qui s'effaçait toujours devant l'amour qu'elles ressentaient les unes envers les autres, mais surtout envers leur frère Branwell, qui s'évertue à noyer dans l'alcool et la déchéance son chagrin d'amour. A respecter aussi leur biographie puisqu'en 1845, date à laquelle se passe ce premier tome, les soeurs Brontë sont encore en train de réfléchir à leurs romans tout en tentant de fonder leur propre école, ce qui est évoqué d'ailleurs dans le roman, et que les autres tomes mettront en scène d'autres moments de leurs vies.

Et enfin, à respecter aussi leur position, avant-gardiste, de femmes « féministes » ; je mets le mot entre guillemets car évidemment à cette époque le féminisme n'est pas encore théorisé et elles ne se seraient peut-être pas définies ainsi, bien qu'elles, comme l'indique Rowan Coleman dans son adresse liminaire au lecteur, « se battaient pour leur droit à mener une vie aussi riche et remarquable que celles de leur homologues masculins, en refusant de croire que leur sexe les condamnait, elles ou leur talent, à une existence polie et paisible que tout le monde finirait par oublier ». Et l'autrice en fait ainsi un moteur de leur action pour trouver la vérité de la disparition d'Elizabeth Chester, dénonçant les positions de l'époque : « C'est un monde où les femmes de tous milieux sont utilisées et jetées, une fois que les hommes en ont fini avec elles, un monde où l'on exige d'elles l'obéissance en toutes circonstances. Il est peut-être de notre devoir de parler pour celles qui ne le peuvent pas, de donner voix à toutes celles qui sont réduites au silence ». Ici, c'est du personnage d'Elizabeth Chester dont il est question ; mais en parallèle, quel beau résumé des oeuvres des soeurs Brontë !
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