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Critique de ODP31


Les gueules noires font grise mine.
Allez ODP, au charbon. Non, ne sors pas ton barbecue et les merguez, ce n'est pas la saison, écoute plutôt Pierre Bachelet aussi souvent qu'un supporter lensois à écharpe pour te mettre un peu dans l'ambiance Germinalisée du dernier polar de Paul Colize.
Bon, on le sait, La terre, c'était le charbon, le ciel c'était l'horizon, et la Manche, côté météo, ce n'est pas folichon.
De la réalité à la friction, le dernier polar du romancier prend pour cadre la catastrophe minière du Bois du Cazier qui a fait 262 morts suite à un incendie, en 1956.
Comme nous ne sommes pas dans un roman-enquête à la Philippe « Zorro » Jaenada de 800 pages dopé de digressions, l'auteur fictionne (oui, j'invente des verbes) et met en scène le procès de deux rescapés italiens de la catastrophe.
Les deux hommes s'étaient réfugiés sous un wagonnet pour échapper au plat du jour à l'étouffée et avaient été retrouvés en compagnie de leur contremaître, mort, bleu, à point ou saignant, selon les goûts. Ils sont accusés de l'avoir refroidi, ce qui pouvait partir d'un bon sentiment lors d'un incendie.
Le procès de l'année s'ouvre en 1958 comme une pièce de théâtre dont le dénouement est connu dès le lever de rideau avec un casting uniquement masculin côté cour, deux accusés pas très optimistes et victimes des préjugés de l'époque sur les immigrés italiens.
Néanmoins, une jeune journaliste, jetée dans le grand bain pour s'y noyer, couvre les audiences pour un célèbre journal, et commence à douter de la culpabilité des présumés coupables.
Héroïne de ce roman, elle doit faire face à la misogynie de ses confrères pour exister et se faire entendre.
Paul Colize maîtrise à merveille son intrigue et il évite le piège habituel des romans de procès, souvent lents, répétitifs et aussi passionnants à lire que le code Pénal. Les joutes verbales entre l'avocat et le procureur brillent ici d'éloquence et l'enquête parallèle de la journaliste permet de prendre l'air entre deux audiences. Les chapitres ne sentent pas le renfermé.
Au-delà du suspense, le roman met en lumière à la lampe de mineur, les mauvais traitements subis par les ouvriers italiens, avec des petits noms bien stigmatisant comme « macaronis » et des conditions de vie à la Zola, l'opinion publique oubliant les « accords charbon » de 1946 entre la Belgique et l'Italie. Comme la Belgique manquait de main d'oeuvre, les locaux n'ayant plus trop la vocation pour mener une vie de taupe, l'Italie, en pleine reconstruction, envoya des dizaines de milliers de mineurs et en échange, elle recevait 200 kilos de charbon par mineur et par jour.
Le combat des femmes de l'époque pour se faire une place dans la société enrichit également le récit et le personnage de cette journaliste d'origine polonaise, Katarzyna, est très réussi car il oscille entre doutes et résilience.
J'apprécie beaucoup les romans de Paul Colize car sa plume ne bégaie pas. Il ne raconte jamais la même histoire. D'un polar à l'autre, il change d'époque et ne tombe pas dans la facilité du héros récurrent névrosé, divorcé, solitaire, insomniaque, incompris et imbibé.
Seul petit reproche, je trouve que l'humour, omniprésent dans ses premiers romans, s'évapore de plus en plus au fil de ses romans. le sujet ne s'y prêtait pas.
L'audience est levée.
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